LE ROMAN FAMILIAL
Explication, cadre et personnages après la 46ième planche
Planche 1. Cette impression que c’est dimanche
1. Plan serré sur Jérémie et Fabien à sa droite. Arrière-plan indéfini.
Jérémie : - Quand je suis avec mes vieux, tellement je crève d’ennui, j’ai l’impression que c’est dimanche.
Fabien (air approbatif) : - Hum.
2. Plan serré sur Jérémie et Arthur à sa gauche. Arrière-plan toujours indéfini.
Jérémie : - Y’a chez eux une léthargie qu’on a dû mal à imaginer.
Arthur : - C’est sûr.
3. Plan buste sur Jérémie et Fabien à sa droite.
Jérémie : - Nous les jeunes, on a besoin de mouvement, tu vois, faut qu’ça bouge, on est dans la vie.
Fabien : - Chez eux, y’a pas de vie.
4. Plan buste sur Jérémie et Arthur à sa gauche.
Jérémie : - Leurs distractions, c’est à se tordre. Ils se posent à la terrasse d’un café et c’est parti. Je vous raconte pas le genre de discussion sans intérêt.
Arthur : - Ouais, incroyable.
5. Plan moyen sur la place devant eux avec peupliers et badauds. Impression d’après-midi indolent.
Jérémie (en off) : - Ce qui me fait le plus marrer, c’est qu’il suffit qu’ils ouvrent la bouche, et c’est tout de suite pour critiquer la façon dont les autres mènent leur barque.
6. Plan rapproché sous une table des jambes en position très relax des trois protagonistes.
Arthur (en off) : - Ça fait peur.
7. Plan buste sur Fabien.
Fabien : - Pour ça, ils ont le vice.
8. Plan américain des trois protagonistes assis à la terrasse d’un café.
Jérémie : - Je peux vous dire qu’avec eux, on a vite les oreilles qui bourdonnent.
9. Léger zoom arrière en plongé. Plan moyen avec la terrasse du bar, la place, le bar.
Jérémie : - Et pas la moindre autocritique, ça jamais.
Arthur : - Aucune distanciation.
Fabien : - Des aveugles.
Planche 2. La vie est un long fleuve tranquille (1)
1. En plan général semi-plongeant, Jérémie, Faustine, le père et la mère devant la télé dans le salon. Faustine est entre ses parents sur le canapé. Jérémie est dans le fauteuil, le corps un peu tourné dans le sens contraire du canapé. Il a son air renfrogné habituel. Ils sont vus de face et on voit de dos le haut de la télé qui projette sur eux tous une lumière un peu blafarde.
2. Gros plan, la télé avec le mot fin sur l’écran (si on voulait être précis, il faudrait voir comment se présente la fin du film « la vie est un long fleuve tranquille »)
3. Plan américain sur le canapé avec le père, Faustine et la mère. Entre ses parents, Faustine fait une bulle avec un chewing-gum.
La mère : - Le titre était bizarre : « la vie est un long fleuve tranquille »
4. Jérémie, en plan américain, sur le fauteuil.
Jérémie : - Ça peut pas arriver que, comme dans ce film, deux nouveaux-nés soient intervertis ?
5. Le père en plan buste.
Le père : - Eh comment que si ! Tu sais qu’on s’est demandé si ça ne nous était pas arrivé !
6. Jérémie en gros plan, un peu désarçonné.
Jérémie : - Qu’est-ce que tu dis ?!
7. Plan général sur les personnages du canapé. Faustine est toujours à faire des bulles.
La mère : - Oui, ton père a raison. On a vraiment eu très peur.
8. Gros plan sur le visage du père, une petite grimace humoristique.
Le père : - Le doute subsiste peut-être.
9. Plan buste sur la mère, la tête tournée comme si elle regardait son époux.
La mère : - Arrête chéri. Ce n’est pas drôle.
Planche 3. La vie est un long fleuve tranquille (2)
1. Plan rapproché sur Jérémie qui regarde son père.
Jérémie : - Ça veut dire que peut-être je ne serais pas…!!
2. Plan buste sur le père, vaguement rigolard et Faustine à côté faisant ses bulles.
Le père : - Non, pas pour toi mais pour Faustine. On s’est demandé quand elle est allée en couveuse. Mamie et papy ont cru que c’était un autre bébé. Un problème de bracelet.
3.La mère, Faustine et le père en plan américain.
La mère : - Pour toi, pas de danger. Tu es resté dans la chambre.
Le père : - Je te surveillais de près.
4. Plan rapproché sur Jérémie.
Jérémie : - On ne m’a pas éloigné pour des soins ?
5. Plan buste sur la mère et Faustine qui fait une nouvelle bulle.
La mère : - Avec des cheveux rouquins comme ceux de ton père, on ne risquait pas de te confondre.
6. Plan rapproché sur Jérémie.
Jérémie : - Rouquin. Je ne suis pas le seul rouquin sur terre ! Une inversion est toujours possible !
7. La mère de face en plan rapproché, d’un visage très doux.
La mère : - Rassure-toi. Tu étais le seul nouveau-né ce jour-là à la clinique, tu es vraiment notre fils.
8. Plan buste sur Faustine, le visage narquois, plein d’ironie, la tête tournée vers son frère.
Faustine : - Si ça se trouve, je ne suis pas ta sœur. Je ne sais pas si je vais m’en remettre.
9. Plan buste sur Faustine qui a recommencé à faire une bulle de Chewing-gum. Son visage est légèrement caché par la bulle.
10. Plan rapproché sur Jérémie tournant la tête dans le sens contraire du canapé, avec une mine dépitée.
Planche 4. Les affres de la création (1)
1. Plan général sur un banc public où Arthur et Fabien discutent. Jérémie est un peu à l’écart et grattouille sur sa guitare.
Arthur : - Tous les grands artistes ont eu des enfances merdiques dans des familles désunies. C’est de cette souffrance qu’ils tirent leur créativité.
Fabien : - Pas mal comme théorie.
2. Plan rapproché sur Arthur.
Arthur : - Ce n’est pas une théorie. Ça se vérifie toujours. Imagine que tu viennes d’une famille sans problème, tu peux considérer que c’est foutu d’avance. Autant devenir tout de suite expert-comptable.
3. Plan buste sur Fabien.
Fabien : - Moi, mes parents sont divorcés, ils se déchirent. Alors, c’est sûr, j’ai complètement le profil.
4. Plan buste sur Arthur
Arthur : - Et moi, vu que je suis orphelin à la base, je t’explique pas. Je vois mal comment je ne pourrais pas devenir un génie.
5. Plan rapproché d’Arthur sous un autre angle.
Arthur : - Surtout que ma famille d’accueil, c’est pas vraiment top.
6. Plan moyen sur les trois garçons. Arthur et Fabien regardent Jérémie d’un air songeur sans rien dire. Jérémie regarde devant lui sombrement, en grattouillant sa guitare.
7. Plan américain sur Jérémie.
Jérémie : - Bon, il faut que je rentre.
8. Plan moyen. Les deux autres le regardent sortir sans rien dire, la mine inexpressive. On le voit partir de dos.
9. Plan moyen sur Jérémie qui marche morne dans la rue déserte du lotissement.
10. Plan américain sous un autre angle de Jérémie, très pensif, qui avance toujours.
11. Plan sur Jérémie, encore pensif. On distingue sa maison dont il prend l’allée vers le garage.
Planche 5. Les affres de la création (2)
1. Plan américain sur Jérémie et le père dans le garage en train de bricoler. Il recolle les morceaux d’un vase. On voit le père de dos et son fils entre de face par la porte.
Le père : - Ah ! te voilà, fils ! J’espère que t’as passé une bonne journée.
2. Plan buste sur Jérémie qui semble fixer son père d’un air morose et peu engageant.
Jérémie : - Ouais.
3. Plan américain sur Jérémie entrant dans la maison par la porte d’accès intérieur toujours avec un air morose.
4. Plan américain sur la mère dans la cuisine. On voit Jérémie de dos.
La mère : - Tu es de retour. Ça tombe bien, ton père et moi, nous sortons ce soir. Il est encore dans le garage ?
5. Plan sur le père qui en fait entre derrière Jérémie et s’adresse à sa femme. Il a un vase à la main.
Le père : - Voilà chérie, le vase est réparé. C’était rien.
6. Plan américain sur le père et la mère tandis que Jérémie est un peu à l’écart de trois-quarts.
La mère (s’adressant au père) : - T’es un amour. Je t’ai fait un petit sorbet cassis comme tu les aimes. Tu en veux ?
Le père : - Tu me connais bien.
7. Plan moyen sur le père, la mère et Jérémie. Le père et la mère s’enlacent assez tendrement. Jérémie les regardent, encore plus sombre.
8. Plan américain sur Jérémie, furibard.
Jérémie : - Pourquoi vous ne vous engueulez jamais ? C’est insupportable à la fin !
9. Plan rapproché sur Jérémie dans tous ses états comme s’il venait d’exploser.
Jérémie : - Vous avez quand même conscience que vous êtes en train de me gâcher ma vie !
10. Plan moyen sur Jérémie filant de dos vers les escaliers dans un mouvement de fureur.
11. Plan sur le père et la mère qui se regardent interdits, comme arrêtés dans leur geste.
12. Jérémie assis sur son lit, la tête dans les mains, l’air sombre et malheureux
Planche 6. Le portrait craché de son père (1)
1. Plan moyen de Jérémie devant une rivière à la campagne. Arbres et verdure. L’air morne, il lance mollement un bâton pour le chien le long de la berge.
2. Plan panoramique en plongée. Jérémie toujours devant la rivière. Le chien qui court cherchait le bâton. Plus en arrière, sa famille (père, père, sœur, grand-mère, grand-père) qui installe nappe, chaises pliantes, glacière, visiblement pour un pique-nique. Plus loin encore, la voiture, coffre ouvert.
3. Plan rapproché sur la mère qui crie.
La mère : - Jérémie, viens donc aider ta sœur !
4. Plan sur Jérémie à moitié retourné vers l’arrière avec, à ses pieds, le chien qui a ramené le bâton.
Jérémie : - Une minute !
5. Plan moyen sur le père. Avec autour de lui Faustine qui porte un panier et la grand-mère assise sur une chaise pliante.
Le père : - Allez viens. Tu ne discutes pas.
6. Plan moyen sur Jérémie de face avec derrière lui la rivière. Il semble revenir, l’air boudeur, mains dans les poches. Le chien est derrière lui.
7. Plan américain sur Jérémie et sa mère. Jérémie arrive près d’elle. On voit la grand-mère assise en arrière-plan sur une chaise de camping.
La mère : - Alors, tu aides un peu.
Jérémie : - Les pique-niques, c’est nul.
8. Plan rapproché sur la grand-mère assise sur sa chaise de camping.
La grand-mère : - Le portrait craché de son père au même âge. Un vrai rebelle.
9. Plan rapproché sur le père qui porte la glacière.
Le père : - J’étais vraiment un petit nigaud. Faut bien que jeunesse se passe.
Planche 7. Le portrait craché de son père (2)
1. Plan sur la grand-mère sur sa chaise pliante, baissant la tête vers son fils à genoux en train de mettre la nappe. Elle semble écrasée le fils.
La grand-mère : - Je me rappelle que tu avais parfois honte de nous.
2. Plan en plongée sur le père qui lève la tête comme s’il nous regardait (le lecteur symbolise le regard de la mère)
Le père : - Mais non maman.
3. Gros plan sur la grand-mère, faussement en colère et le visage assez doux.
La grand-mère : - Comment ça mais non ! mais si ! Un jour tu as même dit que tu pensais être l’enfant de quelqu’un d’autre.
4. Plan buste sur le père et la grand-mère.
Le père : - J’ai dis ça moi ? Je ne m’en rappelle pas.
La grand-mère : - Si, je t’assure.
5. Plan rapproché sur Jérémie qui semble avoir tourner la tête vers eux comme s’il les regardait avec attention.
6. Plan sur le père et la grand-mère. La grand-mère est tournée vers Jérémie
Le père : - Mais pourquoi j’aurais dit ça, c’est ridicule ?
La grand-mère : - Toi, Jérémie. Tu ne dirais pas ça de ton père ou ta mère ?
7. Plan très rapproché sur Jérémie qui a pris un air mortifié.
Jérémie : - Non.
8. Plan buste sur la grand-mère, qui répond avec un air de bonhomie sûre d’elle-même.
La grand-mère : - C’est bien le seul point sur lequel tu diffères de ton père.
9. Plan rapproché sur le visage de Jérémie de profil, dans l’ombre, avec seulement l’œil qui brille, le regard dirigé la rivière, solitaire et pensif.
Planche 8. L’aura du copain de classe (1)
1. Plan moyen en plongée légère sur Jérémie attablé à la terrasse d’une brasserie avec ses parents qui l’encadrent. Il boit une boisson avec une paille, ses parents boivent un café. Le visage morne, il se tient un peu voûté, les épaules tombantes. Nous les voyons lui et sa mère de face et son père, assis à droite à l’angle de la table, de trois quarts. Une voix en off, venue de la gauche de la case, l’interpelle.
La voix : - Salut Roussel.
2. Plan moyen en légère contre-plongée sur Thibault, celui qui vient de l’appeler, garçon costaud à l’allure sportive, et sa copine, très mignonne et sexy. Thibault a le bras autour de la taille de sa copine.
Thibault : - Bonjour messieurs dames. Alors Roussel, de sortie avec tes parents ?
3. Plan américain en légère plongée sur Jérémie, décontenancé, qui esquisse un sourire niais et qui a, semble-t-il, écarté son verre avec son poignet.
Jérémie : - Oui (en petit caractère pour exprimer son peu de désir de faire entendre sa réponse)
4. Plan américain et en contre-plongée légère sur Thibault et sa copine. Cette dernière regarde son compagnon avec une fierté admirative.
Thibault : - C’est bien. Je vous laisse. J’ai promis à Juliette une toile.
5. Plan américain sur Jérémie et ses parents. Jérémie, la tête légèrement baissée, comme pensif et abattu, regardant son interlocuteur par en dessous, ses parents eux, regardent le couple de façon plutôt bienveillante et attentive.
Jérémie : - Salut (toujours en petit caractère)
6. Plan moyen sur Thibault et Juliette, vue de dos s’éloignant, Juliette toujours prise par la taille par Thibault, en légère contre-plongée, image semblant figurer la vision subjective de Jérémie et de ses parents.
7. Contrechamp de la case précédente, plan américain sur les parents et Jérémie. Jérémie, pensif, et ses parents, les visages placides, qui regardent vers l’avant comme s’ils observaient le départ de Thibault et sa copine (en écho à la vision subjective de la case précédente).
8. Plan moyen sur Jérémie et ses parents. Jérémie tripote sa paille en fixant la table. Eux, les parents regardent Jérémie d’un air interrogateur.
Jérémie : - C’est un copain de classe.
Planche 9. L’aura du copain de classe (2)
1. Gros plan sur le visage de la mère qui a relevé la tête une nouvelle fois en direction du couple.
La mère : - Il a l’air assez mature.
2. Jérémie, gros plan, le regard buté et qui, machinalement, a tordu sa paille en deux.
Jérémie : - Si on veut.
3. Gros plan sur le visage du père qui a lui aussi relevé la tête une nouvelle fois en direction du couple.
Le père : - Un gaillard. Il fait plus que son âge.
4. Gros plan sur Jérémie, de plus en plus renfrogné.
Jérémie : - Il a redoublé.
5. Gros plan sur la mère.
La mère : - Ca n’empêche, il a l’air mature.
6. Plan américain sur Jérémie et ses parents. Jérémie a reculé sa chaise comme s’il cherchait à s’écarter de ses parents.
Jérémie : - Bon, ça va !
La mère : - Pourquoi tu t’énerves.
7. Plan américain sur Jérémie et sa mère.
Jérémie : - Vous êtes baba devant ce type. Vous n’avez qu’à l’adopter !
La mère : - Il ne faut pas te mettre dans cet état.
8. Plan américain en contre-plongée sur Jérémie qui s’est mis debout. Ses parents sont assis.
Jérémie : - Quel état ! Je ne me mets dans aucun état, mais merde !
9. Gros plan sur Jérémie, le visage acrimonieux, qui poursuit son discours.
Jérémie : - Permettez-moi tout simplement de ne pas être fasciné !
10. Plan moyen sur Jérémie au premier plan, le visage extrêmement hargneux tandis qu’en arrière-plan, derrière son dos, du côté de son épaule gauche (donc à droite pour le lecteur), les parents sont toujours assis, les bras ballants, regardant le dos de leur fils qui s’éloigne, les visages de tous deux exprimant le même état d’incompréhension absolue.
Planche 10. Les larmes, connais pas
1. Plan général sur le garage où Jérémie a installé son orchestre avec Arthur et Fabien. Fabien est derrière la batterie. Arthur est à la basse et Jérémie à la guitare. Marion est dans un coin. Ils ne sont pas en train de jouer mais discutent.
Jérémie : - Non, arrête, vraiment, il s’est mis à chialer ? Un petit bobo et il se met à chialer. Y’en a qui méritent pas d’être des mecs !
Arthur : - Bonjour la chochotte.
Marion : - Ça prouve tout simplement qu’il est sensible.
2. Plan moyen sur Jérémie, Fabien et Arthur qui se marrent comme des tarés, pliés en deux, les larmes aux yeux.
3. Plan américain sur Jérémie et Arthur, à peine calmés.
Jérémie : - On va dire ça : il est sensible.
Arthur : - Petit chochotte à sa mama.
4. Plan rapproché sur Jérémie et Arthur, air supérieurs et pontifiants.
Jérémie : - Si tu veux, pleurer, c’est un truc, je ne sais pas faire. J’ai bien essayé, j’arrive pas.
Arthur : - C’est parce qu’on est des mecs !
5. Plan moyen sur Jérémie et Arthur. Arthur semble sautiller sur un pied en faisant l’idiot avec sa basse.
Jérémie : - Ça doit être ça. Certains considèrent l’absence de larme comme un handicap.
Arthur : - Ce genre de handicap, je dis oui !
6. Plan moyen sur Arthur qui se casse la figure sur les instruments de musique de Jérémie, dont une guitare sèche.
7. Plan rapproché sur Arthur, les quatre fers en l’air. La guitare sèche dépasse dans son dos, le manche nettement cassé.
Arthur : - Putain, je me suis fait mal.
8. Plan américain sur Fabien, sorti de derrière sa batterie et sur Jérémie, stupéfait. Ils regardent au sol.
Jérémie : - Ma guitare sèche !
Fabien : - C’est ce qui s’appelle rendre l’âme.
9. Plan américain sur Jérémie -et Arthur qui s’est relevé, un lambeau de guitare dans les mains.
Jérémie : - C’est avec elle que j’ai appris à jouer.
10. Plan rapproché sur Marion et Jérémie, la mine sombre, le regard vaguement embué
Marion : - Jérémie, on dirait que ça ne va pas. Ça va ?
11. Plan rapproché sur Jérémie, la tête détournée, visage décomposé comme s’il allait pleuré. Fabien a la tête tournée vers Arthur, qui se tient dos cassé en arrière-plan.
Jérémie : - Non, c’est rien, je me suis pécho un truc dans l’œil.
Fabien : - Maintenant qu’elle est cassée, autant la finir.
12. Gros plan sur Jérémie, vue de près, visage dans le noir avec une larme qui ressort. Derrière lui, Arthur et Fabien ne se préoccupent pas de lui et bousillent la guitare à fond, l’un sautant à pieds joints sur le caisson, l’autre essayant de casser le manche. Seule Marion a la tête tournée vers Jérémie.
Planche 11. De qui je tiens ?
1. Plan américain sur Jérémie assis au milieu du canapé entre son père (à gauche pour le lecteur) et sa mère (à droite pour le lecteur). Il a un magazine entre les mains, qu’il semble feuilleter. L’air morne et inexpressif, il a la tête tournée vers son père qui lui parle.
Le père : - Fils, t’es bien un Roussel, toi.
2. La même case. Mais Jérémie a la tête tournée vers sa mère.
La mère : - Oh, il a aussi quelque chose du côté Dupré.
3. La même case. Mais Jérémie a à nouveau la tête tournée vers son père.
Le père : - Tu trouves ?
4. La même case. Mais Jérémie a la tête tournée vers sa mère.
La mère : - Oh oui, c’est un Dupré pur sucre. Ça se voit tout de suite.
5. La même case mais Jérémie a la tête tournée vers l’avant, au-dessus de son magazine.
Jérémie : - Je n’ai pas envie de faire partie de votre monde, d’un côté comme de l’autre. Je suis moi-même. Point.
6. La même case, mais Jérémie a la tête tournée vers son père.
Le père : - La façon dont il prend la mouche, c’est typique des Roussel.
7. La même case. Mais Jérémie a la tête tournée vers sa mère.
La mère : - Tu plaisantes, l’oncle Antoine était pareil. Son portrait craché. Faut plutôt chercher de mon côté. Du typiquement Dupré.
8. La même case mais Jérémie a la tête tournée vers l’avant, vers son magazine.
Jérémie : - Je ne suis le portrait de personne. Je ne viens de nulle part.
9. Jérémie se lève du canapé. Il rote. C’est symbolisé dans le dessin par une onomatopée et la rondeur de sa bouche. Plan moyen avec lui debout et les parents plus bas assis.
Onomatopée sortant de la bouche de Jérémie : - Beurk !!!
10. Il va vers la droite de la case. On voit de profil la partie basse de son corps, son arrière-train avec un bruit de flatulence. Les parents sont à l’arrière plan toujours dans la même position, assis sur le canapé. Ils regardent devant eux, dans le vide, d’un air estomaqué.
Onomatopée : - Prttt !!!
11. Plan buste sur la mère regardant fixement devant elle.
La mère : - Oui, t’as raison, c’est plutôt un Roussel.
12. Plan buste sur le père, regardant fixement devant lui.
Le père : - Non, il a davantage un côté Dupré.
Planche 12. Ashram tibétain (1)
1. Plan général en légère plongée autour de la table familiale pendant le repas du soir. Jérémie, Faustine, le père, la mère. Tous sont assis.
Le père : - Le fils Lebrun, il s’est retiré dans un ashram tibétain.
2. Plan buste sur Jérémie, la fourchette près de la bouche, comme s’il était tout à coup en arrêt
Jérémie : - Vraiment, au Tibet ?
3. Plan américain sur le père et la table.
Le père : - Oui, Je crois que c’est surtout pour lui une façon de masquer son échec.
4. Plan buste sur la mère
La mère : - Du jour au lendemain, il a tout abandonné.
5. Plan américain sur le père. Faustine et Jérémie en arrière-plan.
Le père : - Il a raté son concours d’entrée à HEC. J’ai rencontré ses parents. Ils sont désespérés.
6. Plan américain sur Jérémie qui est toujours avec sa fourchette non avalée.
Jérémie : - Il a peut-être tout simplement mesuré la futilité de nos vies d’occidentaux repus. C’est quelque chose que je peux comprendre.
7. Plan buste sur le père.
Le père : - A son retour, il risque de tomber de haut, je te le dis. Moi j’appelle ça une fuite devant le réel.
8. Plan moyen en légère plongée sur toute la famille autour de la table.
Jérémie : - De quel réel tu parles ? Ton petit réel microscopique de salarié exploité jusqu’au trognon ?
La mère : - Jérémie, tu ne parle pas comme ça à ton père.
9. Gros plan sur Jérémie
Jérémie : - Faut arrêter. Le fils Lebrun, c’est peut-être lui, le seul qui aura vraiment réussi sa vie. Il a su couper le cordon ombilical.
Planche 13. Ashram tibétain (2)
1. Plan américain sur le père, la mère et Faustine qui regardent Jérémie avec surprise.
Le père : - Quel rapport avec le cordon ombilical ?
2. Plan rapproché sur Jérémie en pleine exaltation.
Jérémie : - Vous le savez très bien ! Moi aussi je vais me retirer dans un ashram ou une yourte, un truc comme ça ! Et vous verrez !
3. Plan rapproché sur Faustine.
Faustine : - Oh oui ! Fais ça pour moi. Tu me laisseras ta chambre et ton ordi !
4. Plan buste sur la mère et Faustine.
La mère : - Faustine, tu ne vas pas accaparer la chambre de ton frère. D’autant plus qu’il dit ça pour nous faire enrager. Il ne va pas partir.
5. Gros plan sur Jérémie, au comble de l’exaspération.
Jérémie : - Bien sûr que si ! J’en suis très capable !
6. Plan rapproché sur la mère.
La mère : - Si c’est ça, ta chambre, j’y mettrai la machine à coudre. Elle encombre le couloir.
7. Plan rapproché sur le père.
Le père : - Le garage commence à déborder. J’aurais peut-être besoin aussi d’y entreposer des outils.
8. Plan général sur la mère, le père et Faustine. Ils sont en pleine concertation et ne se préoccupent plus de Jérémie, vu à l’écart.
Faustine : - Je pensais y ranger la malle à déguisement.
La mère : - Il y a assez de place pour tout ça. C’est une grande pièce.
9. Gros plan sur Jérémie, visage fermé, dent serré.
Jérémie : - Putain, vous êtes vraiment incroyables ! Finalement, si je reste, c’est tout simplement pour vous sauver de votre matérialisme de merde !
Planche 14. Les rimes, c’est de la frime
1. Plan général dans le jardin derrière la maison où Jérémie est sur un transat, adossé au dossier, genoux pliés, pieds sur le transat. Il a un livre sur les genoux. On voit le titre « Une saison en enfer » d’Arthur Rimbaud. Sa mère étend du linge à un fil tout à côté. Faustine et Marion sont débout près de Jérémie comme si elles venaient d’arriver près de lui. Il a arrêté de lire et sa tête est levée vers les filles.
Marion : - Faustine m’a dit que tu écrivais des poèmes.
Jérémie : - Ouais, j’en écris.
2. Plan américain un peu en contre-plongée sur la mère qui, tout en étendant du linge, tourne la tête vers les enfants.
La mère : - A son âge, son père aussi écrivait de la poésie. Il avait même été primé pour ça.
3. Plan américain un peu en plongé sur Jérémie.
Jérémie : - Je sais mais lui, c’était des trucs avec des rimes.
4. Plan un peu plus proche que pour la case 2 de la mère toujours occupée près du fil.
La mère : - Je trouve que ça sonne mieux quand il y a des rimes.
5. Plan moyen sur tous. Jérémie a mis les pieds par terre et brandit son livre comme un manifeste.
Jérémie : - C’est fini ça ! La poésie, aujourd’hui, c’est liberté totale, expression absolue ! Pas de trucs avec des rimes. Le vrai poète, il s’affranchit de tout ça !
6. Plan américain sur Faustine, Marion (et Jérémie vu d’un peu plus bas du fait qu’il est toujours assis).
Faustine : - L’autre jour, je suis tombé sur un de tes poèmes. J’ai cru que c’était la liste des courses.
Jérémie (air méprisant) : - C’était un poème critiquant la société de consommation. Evidemment, t’as rien compris !
7. Plan américain sur Marion, Jérémie (et peut-être Faustine à l’ombre de profil)
Marion : - Noé, un de mes cousins, a écrit des poèmes avec des rimes. Et il a réussi à se faire éditer.
Jérémie : - Moi, je refuse d’être édité. Ce serait participer à ce que je dénonce.
8. Plan américain avec la mère qu’on voit de dos, retournée vers Jérémie.
La mère : - Pourtant tu fais souvent des envois à des éditeurs.
Jérémie : - Oui, mais c’est pour le plaisir que leur dire non une fois mes poèmes acceptés.
9. Plan buste sur Faustine, ironique.
Faustine : - Et tu as eu l’occasion de leur dire non ?
10. Gros Plan en plongée sur Jérémie qu’on voit de trois quart le visage à l’ombre. Son œil ressort. Expression d’amertume intérieure.
Jérémie : - Non (en petits caractères, pour symboliser le chuchotement embarrassé et dépité de la réponse)
Planche 15. Bis repetita
1. Plan général. Jérémie et Arthur sont vus de dos assis sur un banc d’un jardin public. En arrière-plan, des familles (pères, mères, grands-parents) autour d’enfants qui jouent.
Arthur : - Ouais, ça fait bizarre de penser qu’un jour on sera comme eux.
2. De face, en plan américain, Jérémie et Arthur, assis sur leur banc.
Jérémie : - Je t’arrête tout de suite. Moi, je n’ai pas du tout l’intention d’être comme eux. Ce n’est pas une fatalité.
3. Plan moyen sur des familles en train de jouer.
Arthur (en off) : - Y’a pas de mal à ça.
Jérémie (en off) : - Si le but de la vie, c’est leur ressembler, c’est pas la peine de venir le monde. Autant stopper tout de suite l’expérience.
4. Plan américain sur Arthur et Jérémie sur leur banc
Arthur : - Tous les parents ne sont pas ainsi. Les miens par exemple étaient différents.
Jérémie : - Tu dis ça parce que tu ne les as pas connus.
5. Gros plan sur Arthur.
Arthur : - Pas du tout. Ils étaient fantastiques.
6. Plan américain sur Jérémie et Arthur.
Jérémie : - Tu vois, t’es dans l’imaginaire, tu les magnifies.
Fabien : - Non, ils étaient vraiment fantastiques.
7. Plan en plongé sur le jardin public avec Jérémie et Arthur vu de loin.
Jérémie : - Mais comment tu peux balancer des trucs pareils vu que tu les as pas connus ?
Arthur : - Je le sais.
8. Plan américain sur Jérémie et Arthur.
Jérémie : - Bon, t’arrêtes de frimer là avec tes parents morts.
Arthur : - Je te le dis comme je le pense.
9. Plan rapproché sur Jérémie qui s’énerve pour de bon.
Jérémie : - Tu ne te rends pas compte que s’ils étaient encore vivants, ils seraient aussi cons que les miens. Ta chance à toi, c’est qu’ils soient morts.
10. Plan rapproché sur Arthur.
Arthur : - Je n’ai jamais considéré ça comme une chance.
11. Plan américain sur Jérémie et Arthur. Sur le banc, Jérémie s’est détourné, regardant de biais Arthur d’un air dégoûté.
Jérémie : - T’es vraiment un connard !
Planche 16. Mon prénom est nul (1)
1. Plan général sur la famille (Faustine, Jérémie, la mère, le père) à table dans une cuisine un peu aménagée. Ils semblent être à la fin du repas.
Jérémie : - Mon prénom est nul. Pourquoi tu as choisi ce prénom ? Il est nul.
2. Plan buste sur la mère.
La mère : - Je m’étais toujours dit que lorsque j’aurais un fils, je l’appellerais Jérémie. J’en ai parlé à ton père. Il a tout de suite été séduit.
3. Gros plan sur le visage un peu douloureux de Jérémie.
Jérémie : - Ça sonne comme jérémiade.
4. Plan américain sur la mère (et sur Faustine assise à ses côtés, en train de manger et un peu indifférente).
La mère : - J’ai jamais pensé à ça. Mais qu’est-ce que tu aurais voulu qu’on te donne comme prénom ?
5. Plan buste sur Jérémie
Jérémie : Quelque chose qui la pète mieux, comme Alex ou Max.
6. Plan buste sur Faustine qui a levé la tête de son assiette.
Faustine : - C’est le leader de votre bande qui s’appelle Max, non ?
7. Plan buste sur Jérémie, la regardant d’un air mauvais et un peu méprisant.
Jérémie : - Pour commencer, dans notre bande, il n’y a pas de leader.
8. Plan rapproché sur Faustine.
Faustine : - Pourtant, les filles, faut voir comment elles sont quand elles disent « Max ». On a l’impression qu’elles vont fondre.
9. Gros plan sur Jérémie, visage buté.
Jérémie : - Moi, je l’appelle Maxime. C’est son vrai prénom. On a un prénom, faut assumer…
10. Plan buste sur le père.
Le père : - Bravo fils, ça c’est un langage d’homme.
11. Plan rapproché sur Faustine, l’air ironique.
Faustine : - Pourtant il paraît que t’as demandé qu’on t’appelle JR.
Planche 17. Mon prénom est nul (2)
1. Plan buste sur la mère.
La mère : - C’est vrai, tu veux qu’on t’appelle JR ?
2. Gros plan sur Jérémie, le visage presque douloureux.
Jérémie : - C’est Arthur et Fabien. Ils ont considéré que j’avais une tête à m’appeler JR. A cause de ma forte personnalité.
3. Plan américain sur la mère et Faustine.
La mère : - Je ne savais pas qu’on avait une plus forte personnalité en s’appelant JR ?
Faustine (ironique) : - C’est incomparable.
4. Plan américain sur le père, Faustine et la mère.
Le père : - Bon eh bien si JR a fini de manger, il va pouvoir débarrasser.
Faustine : - Il va aussi falloir que JR m’aide pour la vaisselle.
La mère : - Ne l’embêtez pas avec ça. Il s’appelle Jérémie. Appelez-le Jérémie.
5. Plan buste sur Jérémie (très concentré, ne regardant personne), le père et Faustine. Le téléphone sonne (en off).
Jérémie (comme s’il n’avait pas perçu l’ironie de la sœur et du père) : - Ca ne me dérange pas d’être appelé JR. Après tout, autant que partout, on m’appelle par le même prénom.
Téléphone (en off) : - DRING (ou une onomatopée plus moderne ;-)
Le père (à Faustine en montrant du doigt l’onomatopée téléphonique) : - Tu vas répondre ?
6. Plan américain sur la mère. En arrière-plan, Faustine répond (sans qu’on entende ses propos).
La mère : - On ne t’a pas choisi ce prénom pour qu’ensuite ça devienne n’importe quoi. Tes copains vont m’entendre !
7. Gros plan sur le rond de serviette sur lequel est marqué le prénom de Jérémie et que Jérémie tripote nerveusement avec ses mains.
8. Faustine revenant vers la cuisine. Apparemment, elle vient de raccrocher et désigne le téléphone (hors champ) par un signe du pouce.
Faustine (air ironique) : - A propos de copains, c’était Arthur, il voulait parler à un certain Jérémie.
9. Plan américain sur la mère et Faustine. Faustine, toujours ironique et la mère, visage un peu courroucé.
Faustine : - …je lui ai dit qu’on ne connaissait ici aucun Jérémie et j’ai raccroché.
La mère : - C’est malin !
10. Plan moyen en légère plongée sur Jérémie qui lance de rage son rond de serviette par terre.
11. Gros plan sur le rond de serviette qui a éclaté au sol avec le prénom « Jérémie » en plusieurs morceaux. En arrière-plan, on voit Jérémie sortant en furie de la cuisine.
Jérémie : - Vous m’emmerdez tous à la fin !
Planche 18. J’aurais pu être le fils d’une artiste (1)
1. Plan général en légère plongée du salon. Jérémie lit un magazine sur le canapé, affalé, les pieds sur la table basse. Sa mère, assise droite sur le bord du fauteuil, d’une allure -par contraste- plus distinguée, classe des photos dans un album. Un carton à chaussures avec un fouillis de photos se trouve sur la table basse.
2. Plan américain de la mère, toujours assise sur le fauteuil et qui tient une photo à la main qu’elle regarde avec attention.
La mère : - La femme là, c’est l’ancienne petite amie de ton père. Une comédienne et artiste de music-hall.
3. Plan américain de Jérémie qui s’est un peu redressé sur le canapé. Il a levé la tête de son magazine pour la tourner vers sa mère. Il semble fortement intrigué.
Jérémie : - L’ancienne petite amie de papa !
4. Gros plan figurant la vision subjective de Jérémie dont on voit l’avant-bras et la main tendus vers la photo -encore dans la main de la mère- donc photo vue à l’envers et non distinguable.
Voix de Jérémie (en off) : - Montre.
5. Vue de Jérémie en plan buste, fasciné, bouche un peu bée, fixant la photo qu’on ne voit pas encore.
Visage à l’ombre et blanc des yeux fascinés.
6. Plan rapprochée de la photo de la comédienne à l’époque, une jeune femme très belle. La photo est tenue par la main de Jérémie dont on voit le pouce au-dessus.
7. La mère en gros plan.
La mère : - Si on ne s’était pas rencontré, ton père et moi, à l’heure qu’il est, ils seraient toujours ensemble.
8. Le visage de Jérémie en plan rapproché avec dans la main la photographie, vu de dos et de moitié. Il ne décolle pas les yeux de la photographie.
Jérémie : - Papa aurait pu vivre avec elle !
9. En plan américain, la mère et Jérémie. Jérémie de trois quart face, mine de papier mâché.
La mère : - Tu sais, quand il était jeune, il était très convoité.
10. Jérémie en gros plan, pensif, silencieux, le visage baissé comme s’il était toujours à regarder la photo, photo qu’on ne voit pas.
Planche 19. J’aurais pu être le fils d’une artiste (2)
1. Plan buste un peu plus large de Jérémie qui a relevé la tête.
Jérémie : - Il ne nous en a jamais parlé !
2. Plan américain de la mère, les yeux baissés sur ses paquets de photos, qui a repris son classement, d’un air un peu indifférent, par très concentrée sur son discours.
La mère : - Il dit pas tout.
3. Plan américain sur Jérémie, extrêmement pensif.
4. Plan américain sur Jérémie, regard très interrogateur.
Jérémie : - Et qu’est-ce qu’elle est devenue ?
5. Gros plan sur la mère, toujours la tête baissée vers son classement, comme si ses paroles relevaient de la badinerie.
La mère : - Je suis tombée sur un article parlant d’elle. C’est une comédienne très connue en Allemagne. Elle vit avec un metteur en scène berlinois.
6. Plan buste sur Jérémie, décontenancé, le regard dans le vide.
7. Plan en zoom un peu rapproché sur la mère par rapport à la case 5.
La mère : - Ils ont un fils, d’à peu près de ton âge, un petit prodige. Pianiste de jazz.
8. Plan en zoom un peu rapproché de Jérémie par rapport à la case 6. Il regarde la photo, pensivement, très absorbé.
Jérémie : - Ce fils, ç’aurait pu être moi !
9. Plan buste de la mère qui lui a pris la photo, le visage doucereux.
La mère : - Réfléchis. Dans ce cas, tu n’aurais pas existé. Avec ton père, elle aurait eu un autre enfant mais qui n’aurait pas été « toi ».
10. Plan rapproché sur la boîte à chaussure (un peu boîte de pandore) refermée par la mère.
La mère (en off) : - Toi, tu ne pouvais être que notre enfant à ton père et moi.
11. Gros plan sur le visage de Jérémie, à la fois inexpressif et dépité. Il a la tête baissée et légèrement tournée dans l’autre sens que celui où se trouve sa mère.
Planche 20. « Je » est un autre
1. Plan général sur Jérémie dans sa chambre, devant la glace de l’armoire, un livre de poésie à la main où l’on devine un portrait d’Arthur Rimbaud. Chambre de jeune avec posters, ordinateur, guitare électrique et ampli.
2. Plan américain sur Jérémie. Toujours devant la glace, il prend la pose en essayant d’avoir la même coiffure qu’Arthur Rimbaud sur la photo.
Jérémie : - Lui, dès 16 ans, il fugue, il se rebelle contre l’ordre établi. Il part à pied des Ardennes à Paris. C’est la commune. Il passe les lignes. Il manque de se faire fusiller comme espion.
3. Dans la cuisine, la mère en plan buste debout devant la table. Elle est vue en plongée et tourne la tête vers le haut. A l’arrière-plan, le père et Faustine sont déjà assis. Un plat de spaghettis fume au milieu de la table.
La mère : - Jérémie, à table !
4. Plan buste sur Jérémie qui tourne la tête. Visiblement, il a entendu. Il continue.
Jérémie : - Il déteste l’hiver parce que c’est la saison du confort.
5. A peu près le même plan que la case 3 mais la mère vue en plus serré.
La mère : - Jérémie, à table !
6. Plan moyen en plongée. Jérémie se regarde encore dans la glace.
Jérémie : - Il dit non à la société. Moi aussi, je vais me faire un baluchon, je passe par la fenêtre et salut la compagnie.
7. Gros plan de la mère, le même qu’en case 5 mais encore plus serré.
La mère : - Jérémie, à table !
8. Plan américain de Jérémie de dos avec son reflet de face dans la glace.
Jérémie : - Demain, je suis en Afrique comme Rimbaud et c’est l’aventure poétique au sens plein. Je ne me plie plus aux exigences.
9. Plan buste sur la mère dans l’entrebâillement de la porte de la chambre de Jérémie.
La mère : - Et bien, qu’est-ce que tu fabriques ? Ça fait une heure que je t’appelle !
10. Plan américain sur Jérémie, visage grognon.
Jérémie : - Ça va, on n’est pas des chiens. Je ne suis pas obligé de réagir dès qu’on me siffle !
11. Plan américain de la mère toujours dans la porte de la chambre.
La mère : - J’ai fait des spaghettis.
12. Plan buste sur Jérémie l’air songeur avec un éclat dans le regard.
Jérémie : - Des spaghettis ?! C’est bon, j’arrive !
13. Plan moyen en contre-plongée de Jérémie qui descend les escaliers.
Jérémie : - L’heure des repas, on dira ce qu’on veut, c’est ça qui fout la merde.
Planche 21. Grosse teuf
1. Gros plan de Jérémie. Il porte le capuchon vert de Robin des bois. Un arc dépasse de son dos.
Jérémie : - Alors là, les gars, je crois qu’on fait très fort. Les petits minets de la boum, ils vont vite voir la différence.
2. Plan buste de Jérémie et Arthur (zoom arrière par rapport à la case 1). Jérémie est en effet habillé en Robin des bois et Arthur en Petit Jean.
Arthur : - T’imagine comment on va leur casser la baraque.
3. Plan américain sur Jérémie, Arthur et Fabien (zoom arrière par rapport à la case 2). Fabien est lui habillé en frère Tuck
Fabien : - L’idée de la soutane en bure, c’est trop la folie.
4. Plan américain sur les trois compères dans leur déguisement « forêt de Sherwood ».
Jérémie : - S’ils veulent pas nous laisser entrer, pas grave. La fiesta, ce sera avec nous à l’extérieur. Les meufs vont pas en revenir.
5. Plan moyen. Ils arrivent devant la maison. Musique provenant de l’intérieur symbolisé par des traits d’éclats et des notes de musique.
Jérémie (visage ironique un peu méprisant) : - Ah, ça fait un peu badaboum à l’intérieur.
Arthur : - Tenez-vous prêtes les filles, les agents d’ambiance arrivent !
6. Plan moyen des trois copains devant la porte alors qu’ils sonnent. Des têtes de prédateurs comme s’ils étaient sûrs d’eux-mêmes. Arthur claque des doigts, Fabien se contorsionne. Musique idem que pour case 5.
Jérémie : - La teuf ! La teuf ! La teuf !
7. Plan américain de face des trois copains vu depuis le cadre intérieur de la porte qui visiblement vient de s’ouvrir. Mines complètement déconfites, à mettre en opposition avec leurs mines dans la case précédente.
8. Plan général de la salle de fête. Ambiance destroy gothiques. Maquillage à outrances style noir décadent. Les trois copains sont vus au loin à l’entrée. Ils semblent balourds et grotesques dans leurs déguisements surannés. Personne ne fait attention à eux sauf la fille gothique qui a ouvert la porte.
9. Plan buste sur la fille à l’entrée. On devine l’ambiance derrière elle. Air narquois de la fille qui les regarde avec amusement et dédain.
La fille : - Vous voulez vraiment entrer ?
10. Plan américain des trois copains, airs interdits, estomaqués. Jérémie devant, Arthur caché un peu en retrait de Jérémie, Fabien caché un peu en retrait d’Arthur.
Jérémie : - Pour le moment, on va rester un peu dehors.
11. Plan moyen des trois copains sur la route, visiblement s’en retournant.
Jérémie : - Non, là c’était trop, je préfère pas. On a sa dignité.
Arthur : - Ils n’auraient pas compris notre sens de la dérision.
Fabien (approuvant) : - Ouais, ils n’auraient pas compris.
Planche 22. Fonder un foyer (1)
1. Plan large dans le garage de Fabien et Marion où a été installé le matos de répétition (guitare, enceinte, batterie). Jérémie bidouille sa guitare. Arthur est accroupi devant un ampli à le régler. Marion est à côté de Jérémie, adossée au mur, un peu en groupie.
Marion : - C’est bien que tes parents et ma mère soient amis.
2. Plan américain sur Jérémie
Jérémie : - Pourquoi tu dis ça ?
3. Plan américain sur Marion. Air sentimental, regard rêveur.
Marion : - Pour rien. C’est bien. Tu as de la chance. J’aimerais tellement plus tard fonder une vraie famille comme la tienne.
4. Plan américain sur Jérémie qui semble avoir un mouvement de recul, tête et buste en arrière.
Jérémie : - Franchement, je ne suis pas du tout dans ce genre de trip.
5. Gros plan en plongée sur Marion de trois quarts profil, le regard un peu vague.
Marion : - Avoir une maison, des enfants.
6. Plan américain sur Jérémie -et sur Arthur un peu en retrait, qui tout deux regardent Marion qu’on voit de dos.
Jérémie : - Si c’est ça pour toi le bonheur, atterris. On n’a pas la même vision.
7. Plan buste sur Arthur qui s’est remis debout complètement.
Arthur : - Moi parfois, il m’arrive de voir les choses comme Marion.
8. Plan buste sur Marion. Mine intéressée et à l’écoute.
Marion : - Ah oui ?
9. Plan buste sur Arthur, très sérieux.
Arthur : - Je n’ai pas connu mes parents Mais justement, c’est peut-être pourquoi je comprends ce que tu veux dire.
10. Plan moyen sur Jérémie, Marion et Arthur. Jérémie regarde les deux autres avec un sourire narquois et ironique.
Jérémie (s’adressant à Marion) : - Ben voilà, ton avenir est réglé.
Planche 23. Fonder un foyer (2)
1. Plan moyen. Jérémie de profil au premier plan bidouillant sa guitare et les deux autres un peu plus loin qui semblent discuter. On n’entend pas leur conversation. Jérémie prête l’oreille au son de sa guitare.
2. Plan moyen. Jérémie de trois-quarts au premier plan bidouillant sa guitare et les deux autres un peu plus loin qui sont encore à discuter. On n’entend pas leur conversation. Mais cette fois, Jérémie leur prête davantage d’attention.
3. Plan moyen. Jérémie de trois-quarts au premier plan. Il a posé sa guitare. Cette fois-ci, il est vraiment tourner vers les deux autres et les regardent fixement.
4. Plan buste sur Jérémie dont le visage exprime une certaine acrimonie.
Jérémie : - Bon, Arthur, qu’est-ce que tu fous, tu devais aller chercher ta basse.
5. Plan américain sur Arthur et Marion un peu en retrait. Les deux semblent regarder en direction de Jérémie.
Arthur : - Ok, j’y vais.
6. Plan américain sur Arthur qui passe devant Jérémie. Jérémie l’observe sortir d’un air assez sombre.
7. Plan américain sur Arthur de dos qui sort du garage (cette case symbolisant le regard subjectif de Jérémie).
8. Plan américain sur Jérémie qui s’est rapproché de Marion.
Jérémie : - En fait, j’ai un peu le même trip qu’Arthur. Je blaguais tout à l’heure.
9. Plan buste sur Marion qui regarde Jérémie avec profondeur et gravité.
Marion : - Je t’avais pris au sérieux.
10. Gros plan sur le visage de Jérémie, d’une inhabituelle gravité.
Jérémie : - Faut pas toujours croire.
11. Plan buste des deux personnages. Jérémie, gêné et vaguement penaud, regarde Marion en silence. Marion regarde ailleurs.
Planche 24. Permission de minuit (1)
1. Plan américain sur Jérémie et Arthur qui marchent dans la rue. Il fait nuit. Au loin, derrière eux, l’animation d’une fête foraine. Grande roue, manèges. Ils s’en éloignent.
Jérémie : - J’entends déjà mes vieux d’ici : « A cette heure-ci que tu rentres ! » Ils vont me prendre le chou.
Arthur : - Tu les emmerdes !
2. Plan buste en légère contre-plongée sur Jérémie, mine révoltée.
Jérémie : - Parfaitement ! C’est bon, j’ai plus dix ans ! Je te dis pas comment je vais les envoyer bouler.
3. Plan américain sur Arthur et Jérémie.
Arthur : - Si tu les habitues pas, ils ne te laisseront jamais rien faire.
4. Plan général en plongée sur les deux protagonistes seuls dans la nuit avec des zones d’ombres à droite à gauche.
Jérémie : - Le problème, c’est qu’ils sont complètement flippés. Passée une certaine heure, ils voient du danger partout.
5. Plan américain sur Arthur et Jérémie. Jérémie, d’un air inspiré.
Jérémie : - Faudrait peut-être leur dire que le danger, à cette heure-ci, c’est moi. Je suis un vrai guerrier.
6. Plan américain d’Arthur et Jérémie de dos. La maison de Jérémie se profile dans la nuit devant eux.
Arthur : - Tes vieux, j’aimerais pas être à leur place.
Jérémie (visage vaguement ironique et sûr de lui) : - Moi non plus.
7. Plan américain d’Arthur et Jérémie de profil, l’un face à l’autre. Ils se serrent la main devant la maison, près de la porte du jardin.
Jérémie : - Tchao.
8. Plan buste sur Jérémie regardant Arthur s’en aller de dos. Mine inquiète et absorbée de Jérémie.
9. Plan moyen sur Jérémie qui passe l’allée du jardin, le dos un peu voûté.
10. Plan américain sur Jérémie qui pousse la porte d’entrée. Contraste entre l’obscurité du dehors et la lumière émanant de l’entrée.
11. Plan général. Jérémie entre dans le salon. Le père lit un journal dans le fauteuil. La mère semble faire un puzzle devant la table.
Planche 25. Permission de minuit (2)
1. Plan buste sur Jérémie, la mine sombre, air déstabilisée, près à la confrontation.
Jérémie : - Je vois que j’ai droit au comité d’accueil.
2. Plan buste sur le père dans le fauteuil, visage paisible et avenant, qui lève la tête vers Jérémie.
Le père : - Ah c’est toi, fils.
3. Plan américain sur la mère. Elle a aussi levé la tête vers Jérémie. Elle a une pièce du puzzle en suspens dans la main.
La mère : - Je pensais pas que tu serais le premier.
4. Gros plan sur Jérémie, interloqué.
Jérémie : - Le premier ?
5. Plan moyen sur la mère et le père. Le père s’est remis à son journal.
La mère : - Faustine n’est pas encore rentrée.
6. Plan buste de Jérémie qui s’est approché de la table.
Jérémie : - A cette heure-ci !
7. Plan américain de la mère et de Jérémie.
La mère : - C’est la fête foraine. Elle est avec ses copines.
Jérémie : - Et vous la laissez traîner ?!
8. Plan buste en légère plongé sur le père dans le fauteuil. Air conciliant.
Le père : - Pour une fois, on peut bien faire une exception.
9. Plan buste sur Jérémie, visage en colère de profil et un peu plus loin, la mère.
Jérémie : - Je trouve quand même ça vachement imprudent de votre part !
La mère : - Qu’est-ce que tu veux qu’il lui arrive ?
10. Plan buste sous un autre angle de Jérémie et la mère.
Jérémie : - Mais c’est hyper dangereux dehors ! A son âge ! Vous n’vous rendez pas compte !
La mère : - Elle n’a plus dix ans.
11. Plan américain sur Jérémie et le père. Jérémie avec une mine exprimant une exaspération refoulée.
Le père : - T’as l’air fatigué, fils. Tu peux aller te coucher si tu veux.
Jérémie : - Je ne suis pas du tout fatigué, je préfère rester attendre !
12. Gros plan sur le visage exalté de Jérémie.
Jérémie : - Parfois j’ai l’impression que je suis plus adulte que vous ! Faudrait un peu penser à grandir !
Planche 26. Second life
1. Plan général en semi-plongée de Fabien et Jérémie dans un cimetière. Fabien a une balayette et un pot avec lui.
Fabien : - Sympa de m’accompagner, vieux, mais t’étais pas obligé.
Jérémie : - Ça me gêne pas. J’aime bien les ambiances funéraires. Pour méditer, c’est toujours génial.
2. Plan moyen de Fabien et Jérémie arrêtés devant une tombe, celle que visiblement Fabien doit nettoyer. Il y a une inscription au nom de Michel Fergeul, 1965 - 2013.
Jérémie (montrant du doigt l’inscription) : - C’est qui ?
Fabien : - Mon oncle mais en fait, sa dépouille n’est pas là.
3. Gros plan sur la pierre tombale avec l’inscription au nom de Michel Fergeul.
Jérémie (en off) : - Elle est où ?
4. Plan buste sur Fabien.
Fabien : - Sans doute quelque part au large de Java. Il était dans la Marchande et son navire a sombré dans des circonstances mystérieuses.
5. Plan américain sur Jérémie et Fabien.
Jérémie : - Mais alors, rien ne prouve qu’il est mort ?
Fabien (air placide et indifférent) : - On suppose que si.
6. Plan buste sur Jérémie.
Jérémie : - Trop fort ! Si ça se trouve, il a profité du naufrage pour se refaire une nouvelle vie ailleurs.
7. Plan buste de Fabien sur fond de tombe.
Fabien (mine mitigée) : - Déjà, sa vie ici, c’était de la merde. Quand il naviguait pas, il vivait en ermite, reclus comme un con. Donc, je vois pas bien l’intérêt.
8. Plan américain sur Jérémie et Fabien.
Jérémie (visage exalté) : - Ouais mais c’est différent quand tout le monde croit que t’es mort. Tu vis dans un monde parallèle. C’est comme si tu revenais à zéro.
9. Plan buste sur Fabien, ironique.
Fabien : - Lui, il n’avait pas trop à y revenir, il n’en était jamais parti.
10. Plan buste sur Jérémie.
Jérémie : - Moi, je me vois très bien faire ce genre de plan, tout recommencer incognito, sans attache, que dalle. Le simple plaisir de faire chier le monde.
11. Vue en plongée sur la pierre tombale. Au premier plan, Fabien et Jérémie vue de dos en plan américain.
Fabien : - En général, ça n’emmerde personne. Mon oncle, si tu veux, tout le monde s’en fout… sauf moi : il faut que je me coltine sa pierre tombale…
12. Plan buste sur Fabien avec derrière un océan de croix.
Fabien: - … Alors, je te le dis franchement, il a plutôt intérêt à être mort.
Planche 27. Notre génération
1. Plan général de la chambre de Jérémie entre console de jeux et ordinateur. Posters aux murs. Ambiance enfumée. Jérémie et Arthur sont assis par terre. Ils fument un joint que Jérémie tient en main. Regards exaltés.
Jérémie : - Notre destin sera peu commun !
2. Plan américain sur Arthur et Jérémie. Arthur prend le joint que lui tend Jérémie.
Arthur : - Notre génération a une mission !
3. Plan américain sur Arthur et Jérémie. Jérémie parle pendant qu’Arthur tire sur le joint.
Jérémie : - Nous sommes des hommes nouveaux !
4. Plan buste sur Arthur qui a soufflé sa fumée.
Arthur : - Issus de rien. Ex nihilo !
5. Plan buste sur Jérémie
Jérémie : - D’origine inconnue, extra-terrestre !
6. Gros plan sur Arthur qui a le joint mais le garde en main.
Arthur : - N’empêche.
7. Plan buste sur Jérémie et Arthur. Jérémie a la tête tournée vers Arthur avec un air soucieux.
Jérémie : - Oui ?
8. Plan américain sur Arthur et Jérémie.
Arthur : - Moi, si tu veux, j’ignore d’où je viens, je suis quasiment un enfant trouvé.
9. Plan buste sur Arthur et Jérémie. Air soucieux de Jérémie. Tout deux regardent dans le vide. Arrêt sur image.
10. Plan rapproché en semi-plongée sur Jérémie. Il tend le bras pour prendre le joint.
Jérémie : - OK. Et tu vas me balancer que pour moi c’est différent, c’est ça ?
11. Plan américain en semi contre plongée sur Arthur qui donne le joint à Jérémie.
Arthur : - Toi, tu sais qui sont ton père et ta mère.
12. Gros plan sur Jérémie, visage un peu énervé. Il a le joint à la main.
Jérémie : - Putain, mais Jésus aussi à la base, on croyait savoir. Et son père, au final, c’est qui ?....
13. Plan buste sur Jérémie et Arthur. Jérémie va mettre le joint à la bouche. Arthur semble acquiescer, d’un air méditatif.
Jérémie : - … Alors, faut arrêter, y’a quand même des précédents !
Arthur : - Pas faux.
Planche 28. Un gouffre, une énigme (1)
1. Plan général. La mère et une voisine discutent dans le couloir près de l’entrée. Jérémie est assis sur le canapé dans le salon. Il lit une revue. Angle de vue un peu en plongée, qui montre que Jérémie ne voit pas les deux autres et vice-versa.
La mère : - Faustine, toujours vive. Par moment, un peu délurée, c’est vrai.
La voisine : - Et Jérémie ?
2. Plan moyen sensiblement équivalent au 1. A part que Jérémie a levé la tête de sa revue et regarde du côté d’où viennent les voix d’un air contrit. Il semble surprendre la conversation.
La mère : - Pas encore de petites amies, il préfère se consacrer à ses études. Un peu de musique, pour se détendre, comme tous les jeunes aujourd’hui, mais sans excès. Il est raisonnable.
3. Plan moyen sur la mère qui entre dans le salon. On comprend que la voisine est partie. Mine relativement satisfaite de la mère, et Jérémie, mine contrite.
4. Plan américain en légère contre-plongée de Jérémie de dos trois quart qui s’adresse à sa mère de face.
Jérémie : - J’aime pas la manière dont tu parles de moi, J’ai l’impression d’être trop dans la norme, presque inconsistant.
5. Plan buste sur la mère.
La mère : - Les gens me demandent comment tu vas. Faut bien que je leur réponde.
6. Gros plan sur Jérémie
Jérémie : - Oui mais cette description, quelle horreur !
7. Plan américain sur la mère et Jérémie
La mère : - Rien n’est faux dans ce que je dis.
Jérémie : - Sauf que tu ne vois que la partie visible…
8. Plan buste sur Jérémie.
Jérémie : - … A l’intérieur, je suis complètement différent. En moi, c’est un gouffre, une énigme.
9. Gros plan sur Jérémie.
Jérémie (air pontifiant, qui se veut inexplicable) : - Je suis un mystère.
10. Plan moyen sur Jérémie allongé sur son lit. La fenêtre est ouverte.
Texte : le lendemain.
Une voix (en voix off par la fenêtre) : - … Et comment va Jérémie ?
11. Plan moyen en plongée sur la fenêtre vue de l’intérieur alors que Jérémie s’est redressé et assis sur son lit.
Une voix (de la mère d’après la réponse en off) : - Ça va. A l’école, il a de bon résultat et beaucoup d’amis. Mais il n’aime pas tellement qu’on parle de lui. Il a l’impression qu’on ne le comprend pas.
Une voix (en off) : - Comment ça ?
Planche 29. Un gouffre, une énigme (2)
1. Plan moyen général en contre-plongée depuis le jardin. On voit la mère qui parle avec un couple. A la fenêtre, on aperçoit Jérémie qui les observe et les écoute.
La mère : Avec les ados, vous savez, c’est toujours un peu compliqué. Il m’a dit qu’il était un gouffre, une énigme.
La femme du couple : - Une énigme ?
2. Plan moyen sur la mère et le couple. Le couple avec des mines dubitatives (on ne voit pas Jérémie -ou ça peut être sa vision subjective, dans ce cas plan en plongée)
La mère : - Oui, qu’il ne fallait pas se fier comme ça aux apparences. Qu’il était un mystère.
3. Gros plan sur Jérémie, visage mortifié.
4. Plan américain sur Jérémie qui s’adresse à sa mère en bas dans le salon.
Jérémie : - Je viens de t’entendre parler avec les Duval. Comment tu peux raconter des choses pareilles ! Que je suis une énigme, tout ça !
La mère : - C’est mot pour mot ce que tu m’as dit hier.
5. Plan américain sous un autre angle de Jérémie et de sa mère.
Jérémie : - Mais quand je parle de ça, c’est avec un certain ton. Y’a du second degré.
La mère : - Je dis quoi alors ?
6. Plan rapproché de Jérémie, avec une moitié de visage en angle obscur.
Jérémie : - Rien, ne dis rien. Je n’existe pas. Je suis du néant !
7. Plan américain sur la mère dans le couloir. Elle a un téléphone mobile à la main.
Texte : Le soir
La mère (au téléphone) : - Jérémie, je ne peux pas tellement t’en parler. Il me l’a expressément défendu.
8. Plan moyen sur Jérémie qui entend la conversation en descendant les escaliers. Son visage semble mortifié.
La mère (en off) : - Il préfère n’être rien, ne pas exister extérieurement… Non, ça ne m’inquiète pas trop, avec le temps, ça lui passera.
9. Plan moyen en plongée sur Jérémie qui arrive sur le palier du bas. La mère est vue lui tournant le dos tandis qu’elle poursuit sa conversation.
La mère : - …Oui, je te laisse. A bientôt.
10. Plan américain sur Jérémie et la mère qui a reposé le combiné sur sa base.
Jérémie : - Putain, mais t’as décidé de me faire passer pour un demeuré. Ok, parle de moi comme tu veux, je m’en tape…
11. Gros plan sur Jérémie, le visage douloureux..
Jérémie : -… Mais par pitié, arrange-toi pour que je n’entende rien.
Planche 30. L’orphelin (1)
1. Un jardin public en plan général, Jérémie parle avec une jeune fille et un gamin. Il a sa gratte dans le dos en bandoulière et semble frimer, debout devant eux. Des enfants jouent autour.
NB : Les premières cases de cette planche pourraient être cadrées différemment pour que le lecteur soupçonne qu’il s’agit d’un rêve, ou alors avec des personnages incongrus en arrière-plan)
Jérémie : - Je n’ai pas de famille, je suis un vagabond.
Le gamin (admiratif) : - Tu vis tout seul dehors ? Tu dors où ?
2. Plan américain sur Jérémie et la jeune fille. Changement d’angle.
Jérémie : - A la belle étoile. Dur au début mais on s’habitue.
La jeune fille : - Et tes parents ?
3. Gros plan sur Jérémie qui force sur sa gravité.
Jérémie : - Orphelin. Je le supporte bien, remarque. Quand on a connu que ça.
4. Plan américain du trio.
Le gamin : - La chance que t’as. Moi, c’est mon rêve. Pas de parents. Liberté totale.
Jérémie : - C’est pas tous les jours facile mais j’assume.
5. Plan buste sur la jeune fille, admirative.
La jeune fille : - Et la guitare, t’as appris tout seul ?
6. Plan buste sur Jérémie qui se la joue vieil affranchi.
Jérémie : - Mon gagne-pain. Y’a pas de secret, faut se donner les moyens de sa liberté.
7. Plan moyen sur Faustine qui arrive à l’entrée du jardin. Elle appelle.
Faustine : - Alors Jérémie, tu fais quoi ?
8. Plan américain sur Jérémie, la jeune fille et le gamin qui semblent tous regarder en direction de Faustine. Jérémie, mine ébranlée.
La jeune fille : - Qui c’est cette fille ?
9. Plan américain sur Jérémie, de trois quart et de Faustine un peu plus loin.
Jérémie : - Une dingue qui s’imagine être ma sœur.
10. Plan buste sur Faustine et le gamin très remonté contre elle.
Le gamin : - Arrêtez de vous vanter d’être sa sœur.
Faustine (ironique) : - Franchement, je m’en suis jamais vantée.
11. Plan américain sur Faustine qui a la tête tournée vers la mère qui approche.
Faustine (mine satisfaite) : - Maman arrive. Tu vas t’expliquer avec elle.
Planche 31. L’orphelin (2)
1. Le mère, en plan moyen qui s’est encore approchée. Jérémie a la tête rentrée dans les épaules, sur la défensive.
La mère : - Jérémie ! ton père est en train de s’impatienter !
Jérémie : - Ils me confondent avec quelqu’un d’autre. C’est la seule explication.
2. Plan américain sur la jeune fille qui a un petit sourire ironique et sur Jérémie.
La jeune fille : - Cette dame te ressemble comme deux gouttes d’eau.
Jérémie : - Ça ne veut rien dire.
3. Plan moyen en perspective sur le père qui arrive derrière avec au premier plan la mère et Faustine.
Le père : - Jérémie, on n’attend plus que toi. Mamie est dans la voiture.
4. Plan buste sur le gamin, étonné.
Le gamin : - Tu es aussi rouquin que le monsieur.
5. Plan buste sur la mère qui attrape le bras de Jérémie.
La mère : - Allez viens. Faut qu’on y aille.
6. Plan américain. Jérémie se réveille. La main de la mère est sur son bras, dans la même position que dans la case 5. Tous sont sous une tente. Visiblement, ils font du camping. Ses parents et Faustine le regardent.
La mère : - Eh bien, Jérémie, qu’est-ce qui se passe ?
7. Plan buste sur Jérémie.
Jérémie : - J’ai fait un cauchemar.
8. Plan buste sur la mère au visage doux et compréhensif.
La mère : - On dirait que c’est arrivé d’un seul coup.
9. Plan américain sur Jérémie.
Jérémie : - Je sais, au début c’était un beau rêve.
10. Gros plan sur Jérémie.
Jérémie : - Mais soudain c’est devenu …
11. Gros plan sur les visages bienveillants des parents et un peu ironique de la sœur (comme en vision subjective de Jérémie)
Jérémie (en off) : -…tellement réel.
Planche 32. Un nouveau dans la classe
1. Plan général en légère plongée sur Jérémie à table avec ses parents et sa sœur. C’est le repas. Ils prennent leur petit déjeuner.
Jérémie (visage moqueur) : - Y’a un nouveau dans la classe, vous n’imaginez pas le triste que c’est.
2. Plan général de la cour de l’école.
Jérémie (en off -texte bandeau) : - On a essayé de lui parler. Le mec, il vous répond hyper sérieux. Pas un pet d’humour.
3. Plan moyen sur la cour avec Jérémie et quelques potes en groupe qui voit le nouveau passer le portillon de l’école.
Jérémie (en off -texte bandeau) : - Une gueule de rien du tout. Il s’habille comme un naze.
4. Plan rapproché sur le nouveau en train de lire loin des autres
Jérémie (en off -texte bandeau) : - En plus, il n’arrête pas de bouquiner. Pendant les récrés, il s’isole dans son coin pour lire.
5. Plan moyen du nouveau qui sort de l’école. Les autres le matent.
Jérémie (en off -texte bandeau) : - Et à la fin des cours, tout de suite, il rentre gentiment chez lui.
6. Plan américain sur la table familiale.
Le père : - C’est quoi son nom de famille ?
Jérémie : - Magnani-Serra, un truc comme ça.
7. Plan buste sur le père et Jérémie.
Le père : - C’est bien ce que je pensais. Ton camarade, il a appris à se faire discret.
Jérémie (mine un peu étonnée) : - Discret ? Pourquoi ça ?!
8. Plan buste sur le père.
Le père : - Son père est en taule. Une série de braquage. Un moment, toute la famille était en cavale. Ce gamin, il vit dans un monde parallèle, différent du nôtre. Du coup, il a développé une sacrée maturité.
9. Gros plan sur Jérémie, pensif et visiblement fasciné.
10. Plan américain sur Jérémie, habillé un peu comme le nouveau, dans la cour de l’école en train de lire, et de quelques copains dont Fabien et Arthur.
Fabien (en off) : - Jérémie qu’est-ce que tu fous ? T’es malade ou quoi ?
11. Plan américain sur les mêmes. Le nouveau, un peu à l’écart l’observe aussi sans vraiment s’intéresser.
Jérémie : - Laissez-moi, je bouquine.
Arthur : - Putain, mais tu t’es fringué comment aujourd’hui !
12. Plan buste sur Jérémie.
Jérémie (air supérieur avec haussement d’épaule) : - Ouvrez un peu les yeux, les gars. Le vrai, il est pas où vous pensez. Y’a un autre monde, moins ringard que le vôtre. Si vous n’pouvez pas piger ça…
Planche 33. Ici ou ailleurs
1. Plan américain sur Fabien et Jérémie sur un banc public.
Fabien : - Franchement, je préfère rester buller ici plutôt que de courir le monde.
NB : Planche sous forme de quatre strips qui se font écho. Jouer sur les couleurs, les situations pour bien différencier les moments.
2. Plan buste sur Jérémie
Jérémie : - Ça t’a jamais effleuré l’esprit que le monde demandait à être exploré. Il faut parfois savoir un peu s’aérer la cervelle, tendre vers l’ailleurs.
3. Plan américain sur Fabien et Jérémie.
Fabien : - Je ne vois pourtant pas ce qu’on gagne à s’éloigner de chez soi.
Jérémie (dédaigneux) : - Le manque de curiosité de certains gusses, ça me dépasse !
4. Plan moyen sur Arthur et Jérémie de dos en contre-plongée. Ils sont assis à cloper au bord d’une rivière. Au loin, on voit un avion dans le ciel.
Arthur (la tête levée vers l’avion) : - Moi, mon truc ce serait d’être tout le temps en voyage.
5. Plan buste sur Jérémie.
Jérémie : - N’importe quoi ! T’espères trouver autre chose ailleurs ? Où qu’on aille, c’est kif kif.
6. Plan américain sur Arthur et Jérémie.
Arthur : - La rencontre d’autres cultures, c’est quand même pas rien.
Jérémie : - Maintenant on regarde tous les mêmes conneries à la télé en bouffant les mêmes saloperies. Non, la vraie sagesse, c’est de ne pas bouger d’un chouille.
7. Plan américain sur Faustine et Jérémie dans la cuisine. Ils sont en train de prendre un petit déjeuner.
Faustine : - Quand je serai plus grande, avant de partir en voyage, j’organiserai tout à l’avance. C’est trop bête de prendre des risques.
8. Plan buste sur Jérémie.
Jérémie (air méprisant) : - Profil type de la consommatrice de base. Tu finiras en Hôtel Club comme tous les bidochons. Si c’est c’que t’aime, grand bien te fasse
9. Plan américain sur Faustine et Jérémie.
Faustine : - En quoi c’est gênant ?
Jérémie (dédaigneux) : - En rien. T’es bien adaptée à ton époque, c’est tout. Y’a pas de meilleure façon de rester aveugle.
10. Plan moyen sur Jérémie et Marion qui marchent dans la rue, sac en bandoulière comme s’ils revenaient de l’école.
Marion : - Tant qu’à voyager, je préfère encore le faire en toute fantaisie, en improvisant.
11. Plan buste sur Jérémie.
Jérémie (mine grave, air pédant et pédagogue) : - C’est l’idéal sauf que la réussite d’un voyage dépend de sa préparation. Si tu n’anticipes rien, tu peux t’en mordre les doigts.
12. Plan buste sur Marion et Jérémie.
Marion : - Je ne savais pas que t’avais des idées aussi arrêtées.
Jérémie (pontifiant) : - De nos jours, les gens changent d’idées comme de chemises, avec pour seule ambition de contredire leurs voisins. Au milieu d’eux tous, je me sens comme un extra-terrestre, un peu autre, à la marge quoi.
Planche 34. Le même métier que mon père (1)
1. Plan moyen sur Jérémie entre son père et son grand-père marchant de front sur une route de campagne en portant chacun des ustensiles de pêche.
Le père : - Tu pourrais faire le même métier que ton grand-père et moi. Moi, j’ai atteint le poste de chef de guichet. Mais avec tes études, toi, tu pourrais être au moins directeur d’agence. Le fils Leblanc, il suit les traces de son père.
2. Plan buste sur Jérémie
Jérémie : - Les Leblanc ! Bonjour la famille de rebelle ! Avec des gugusses comme eux, l’ordre social, il risque pas lourd.
3. Plan américain sur le père et Jérémie.
Le père : - Tu peux faire le malin, mais lui au moins, son avenir, il y pense déjà !
4. Plan rapproché sur Jérémie.
Jérémie : - Parce que tu crois qu’on vient sur terre pour faire pareil que ses parents. Pour reproduire le même truc. Excuse-moi mais y’a autre chose.
5. Plan américain sur Jérémie et son père.
Le père : - Et qu’est-ce que tu voudrais faire ?
6. Plan rapproché sur Jérémie
Jérémie : - Je ne sais pas, un truc dans le milieu artistique, chanteur de rock, musicien…
7. Plan buste sur le père et Jérémie
Le père (air dubitatif) : - Ouais, comme tous les jeunes quoi…
8. Plan américain sur Jérémie et le grand-père.
Jérémie : - Y’en a qu’ont la vocation.
Le grand-père : - Tu sais qu’à ton âge, ton père faisait du théâtre.
9. Plan rapproché sur Jérémie.
Jérémie (un peu méprisant) : - Je sais, sauf qu’il a tout abandonné pour entrer dans la banque.
10. Plan américain sur les trois. Le père a un air sombre.
Le grand-père : - Il a fait comme moi
Jérémie : - Eh bien je trouve ça triste.
Planche 35. Le même métier que mon père (2)
1. Plan rapproché sur le père.
Le père (mine sombre) : - Je ne regrette rien.
2. Plan américain sur Jérémie et le grand-père
Jérémie : - T’avais pas le feu sacré, c’est tout.
Le grand-père : - Pourtant je me rappelle comment il répétait ses textes. Pour ça, je peux te dire qu’il a bossé.
3. Plan buste sur Jérémie.
Jérémie : - Ouais, mais ça suffit pas.
4. Plan américain sur le père et Jérémie.
Le père (sombre) : - Disons qu’il faut aussi de la chance.
Jérémie : - Ah ça, c’est toujours facile. Le discours de tous ceux qui ont renoncé.
5. Plan américain sur le grand-père.
Le grand-père : - Je me rappelle d’un type qui a commencé avec ton père et qui est aujourd’hui sociétaire à la Comédie française.
6. Plan buste sur Jérémie.
Jérémie : - Eh bien lui, il avait les tripes ! Il n’a jamais abandonné ! Il a su se forger seul son destin.
7. Plan américain sur le père et Jérémie.
Le père (sombre) : - Je le vois parfois à la télé.
Jérémie : - Il s’est battu. T’aurais dû suivre son exemple. Il ne s’est pas contenté de singer ses parents !
8. Gros plan sur le père.
Le père (sombre) : - En fait, il n’a fait que ça. Dans sa famille, ils sont comédiens depuis dix générations. Ça lui a sacrément ouvert les portes.
9. Plan américain sur le grand-père et Jérémie, qui tire la gueule.
Le grand-père : - A la banque, ton père pourrait aussi t’ouvrir des portes.
10. Plan moyen sur Jérémie coincé entre son père et son grand-père.
Jérémie : - Ouais. Bienvenu dans le monde du rêve.
11. Plan large assez symbolique en plongée des trois protagonistes qu’on voit avancer de dos sur un chemin rectiligne et bien tracé en perspective. Jérémie semble encadré par son père et son grand-père, comme s’il n’avait pas le choix de la route.
Planche 36. Plusieurs cordes à son arc (1)
1. Plan général dans le jardin à l’arrière de la maison. Jérémie est assis sur une chaise devant un guéridon. Il a un planche à dessin sur les genoux et dessine apparemment l’usine tout derrière.
2. Plan moyen sur Jérémie, Faustine et Marion. Jérémie voit arriver les deux filles vers lui dans le jardin. Il a levé son crayon de la planche.
3. Plan américain sur les deux filles debout près de Jérémie. Ce dernier a masqué son dessin en levant sa planche.
Marion : - Je ne savais pas que tu dessinais.
4. Plan américain sur les trois protagonistes.
Faustine : - Marion aimerait voir ce que tu fais.
Marion : - Si ça ne te dérange pas.
5. Plan buste en légère plongée sur Jérémie, un peu gêné.
Jérémie : - Faudrait d’abord que je finalise.
6. Plan américain sur Faustine et Marion.
Marion : - Mais tu dessines quoi au juste ?
7. Plan américain sur Jérémie.
Jérémie : - L’usine. Je veux capter un peu de la poésie industrielle du lieu.
8. Plan américain sur Marion et Faustine.
Marion : - Je suis assez bluffée. Je croyais que t’étais plutôt musique.
9. Plan buste en plongée sur Jérémie.
Jérémie : - Et tu t’es dit que ma créativité n’était que musicale, que je ne pouvais rien faire d’autres.
10. Plan américain sur les trois personnages.
Marion : - Je me suis pas vraiment posée la question.
11. Gros plan sur Jérémie.
Jérémie (avec humeur) : - Je crois qu’il faut arrêter de mettre les gens dans des petites cases. Certains, comme moi, déploient leur créativité dans plusieurs domaines. Ce n’est pas une raison pour les considérer comme des monstres.
Planche 37. Plusieurs cordes à son arc (2)
1. Plan buste sur Faustine.
Faustine (visage plein d’ironie) : - Je suis vraiment vernie d’avoir un frère pareil.
2. Plan américain sur Jérémie.
Jérémie : - En fait, on choisit pas. Tout finit par s’imposer.
3. Plan américain sur Faustine et Marion
Faustine : - Eh bien montre-nous un peu ce qui s’est imposé.
4. Plan américain sur Jérémie qui montre son dessin.
Jérémie : - Comme je disais, c’est pas fini.
5. Gros plan sur le dessin, maladroit, banal et figuratif, représentant l’usine, dessin tenu par la main de Jérémie.
6. Plan buste sur Marion en contre-plongée comme vue depuis le dessin.
Marion (air mitigé) : - C’est pas mal.
7. Plan moyen en légère plongée sur Jérémie.
Jérémie (mine un peu sombre) : - Tu dis ça comme quelqu’un qui n’en est pas persuadé.
8. Plan américain sur les trois protagonistes.
Marion : - Non, franchement, pour quelqu’un qui débute, c’est pas mal.
Faustine : - Ça fait quand même une semaine qu’il est dessus.
Jérémie (sombre) : - En même temps, j’ai pas tant travaillé que ça.
9. Plan rapproché sur Marion.
Marion : - Ça se voit un peu. Y’a quelques maladresses.
10. Plan buste sur Jérémie et Marion.
Jérémie (un peu déstabilisé) : - Ce que tu prends pour des maladresses, c’est volontaire. A une époque, on a dit ça aussi de Van Gogh.
Marion (mine conciliante) : - Ah oui, j’avais pas vu ça comme ça.
11. Plan américain sur les trois protagonistes.
Jérémie : Je t’en veux pas. C’est sans doute encore un peu trop tôt pour que les gens comprennent.
Faustine (ironique) : - On n’a pas les yeux pour.
Marion : - C’est certain.
Planche 38. Je ne veux pas d’héritage
1. Plan large de derrière la maison familiale dehors, dans le jardin. Jérémie et son père.
Le père : - Un jour, ce sera à toi et à ta sœur. Mais ne sois pas trop impatient. On n’est pas pressé, ta mère et moi, de casser notre pipe.
Jérémie (air renfrogné et buté) : - Je ne veux rien.
2. Plan moyen sur le père de dos et l’usine au loin.
Le père (regardant l’usine à l’orée du jardin) : - Je reconnais que le pavillon s’est un peu dévalorisé à cause de l’usine.
3. Plan américain sur Jérémie et son père.
Jérémie (donnant un coup de pied à une pierre) : - Je ne veux rien, je te dis, je préfèrerais même être déshérité.
4. Plan rapproché sur le père.
Le père : - Même si on le voulait, on ne pourrait pas, fils. C’est la loi.
5. Plan américain sur Jérémie et son père.
Jérémie (morne, regardant encore ailleurs) : - Y’a bien des cas où les gens n’héritent pas. Imaginons quelqu’un qui tue ses parents par exemple?
Le père : - Je suppose que dans ce cas-là, oui.
6. Gros plan sur Jérémie.
Jérémie (dont le regard s’allume avec un certain intérêt) : - Ah ! Tu vois !
7. Plan buste sur le père et Jérémie.
Le père (rigolard) : - Un peu excessif quand même si c’est dans le seul but de ne pas hériter.
Jérémie (sérieux et très méditatif) : - Le problème, c’est qu’il faut qu’on découvre que c’est lui le meurtrier, sinon malgré tout il hérite.
8. Plan rapproché sur le père.
Le père : - Enfin, là n’est peut-être pas le problème.
9. Plan rapproché sur Jérémie.
Jérémie : - Oui, le problème, c’est que, s’il est reconnu coupable, il va se retrouver en taule.
10. Plan buste sur le père.
Le père (visage avec un vague air de réprimande) : - Enfin, Jérémie, qu’est-ce que tu racontes ? Le vrai problème, c’est surtout qu’il a tué ses parents.
11. Gros plan sur Jérémie.
Jérémie (d’un air assez peu convaincu) : - Ah ouais, y’a ça aussi
Planche 39. Remodelage physique
1. Plan moyen sur une salle de musculation. Marion surprend Jérémie allongé en train de soulever des haltères.
Marion : - Dis donc, ça me fait drôle de te trouver là ! Je pensais pas que c’était ton truc, la muscu.
Jérémie (air gêné) : - Ah bonjour Marion !
2. Plan américain sur Marion et Jérémie qui s’est relevé sur son banc d’haltères
Marion : - Et tu viens t’entraîner jusqu’ici ? Par rapport à chez toi, c’est l’autre bout de la ville ?
Jérémie (embarrassé) : - En fait, j’accompagnais un pote. Il avait des entrées gratos.
3. Plan américain sous un autre angle de Marion et Jérémie.
Marion : - Je le connais ?
Jérémie : - Non. D’ailleurs, il est parti.
4. Plan moyen sur Marion et Jérémie.
Marion : - Ici, c’est le palais de la gonflette. Les types qui fréquentent ces lieux, c’est souvent du muscle et un petit noyau dans la tête.
Jérémie : - Je suis d’accord avec toi. Si je suis resté, c’est parce que je pense écrire une chanson là-dessus.
5. Plan américain sur Marion.
Marion : - J’ai jamais compris les types qui faisaient ça. Faudrait peut-être leur dire que les filles aiment les mecs au naturel.
6. Plan moyen sur Marion et Jérémie.
Jérémie : - Oui, c’est sûr, mais toi tu fais quoi ici ?
Marion : - Un de mes oncles bosse dans cette salle. Je passais lui dire bonjour.
Jérémie : - Ah !
7. Plan sur Jérémie qui s’éloigne vers les vestiaires.
Jérémie : - Bon ben je vais aller me changer. Je crois que j’ai assez de matière pour écrire ma chanson.
Marion : - Tchao.
8. Plan moyen sur le hall d’entrée. Jérémie vient des vestiaires. Marion est debout dans le hall avec le guichetier qui appelle Jérémie d’un signe de la main.
Le guichetier : - Monsieur ! Je vous attendais !
Jérémie : - Oui ?
9. Plan américain des trois protagonistes. Jérémie s’est approché.
Le guichetier : - Je dois vous rendre la monnaie sur votre abonnement. Vous m’avez trop donné tout à l’heure.
Jérémie (déstabilisée) : - Merci. Je…
Marion (désignant le guichetier) : - Mon oncle.
10. Plan moyen sur Marion et Jérémie sortant de front de la salle de sport à l’extérieur. Jérémie a une mine très sombre et Marion, très circonspecte.
11. Plan américain de Jérémie et Marion.
Jérémie : - Marion ?
Marion : - Oui ?
12. Gros plan sur Jérémie, regard absorbé dirigé vers le sol.
Jérémie : - Pas la peine d’en parler à Faustine ni à personne d’autres.
Marion (en off) : - OK.
13. Plan moyen en légère plongée par-dessus l’épaule de Marion de dos qui regarde Jérémie s’éloigner dans la rue. Il a le dos voûté.
Planche 40. Le problème de mourir jeune (1)
1. Plan américain sur Jérémie et Fabien. On ne sait trop où ils sont. Ils discutent, hyper sérieux.
Jérémie : - Mourir jeune, c’est romantique, sauf qu’il y a quand même le risque de se retrouver dans la même tombe que ses parents.
2. Plan général sur Fabien, Jérémie et Arthur. On découvre qu’ils sont dans le garage de Fabien en pleine répète. Instruments à droite à gauche. Arthur est un peu à l’écart.
Fabien : - T’as sans doute raison mais d’un autre côté, une fois mort, c’est plus trop un souci…
Jérémie : - Pour ceux qui restent, tu passes quand même pour un gros naze. Imagine : le pauvre mec enterré entre papa maman
3. Plan rapproché sur Fabien.
Fabien (acquiesçant) : - Ouais, un peu la honte.
4. Plan rapproché sur Arthur. Les deux autres sont vus plus à l’écart.
Arthur : - Dites donc les gars, super sympa de vous entendre. C’est une bonne bouffée d’air frais qu’on se prend dans les narines.
5. Plan buste sur Jérémie.
Jérémie (avec acrimonie) : - Toi, tu peux pas comprendre, ce sont des enjeux qui t’échappent.
6. Gros plan sur Arthur.
Arthur (qui fronce les sourcils) : - Tu me balances ça parce que je suis orphelin ?
7. Plan buste sur Jérémie (et sur Fabien qui ne semble pas se mêler à la polémique et regarde placidement ailleurs).
Jérémie (vaguement gêné) : - Ce n’est pas ce que je voulais dire.
8. Plan américain sur Arthur.
Arthur (un peu méprisant) : - Ah ouais, eh bien je crois que je vais plutôt aller accorder ma gratte dans mon coin.
9. Plan moyen sur Jérémie et Fabien avec Arthur vu un peu à l’écart penché sur sa guitare.
Fabien : - Ceci dit, ils sont en super bonne santé, tes parents.
Jérémie : - C’est un truc, je peux pas le leur reprocher.
10. Plan américain sur Jérémie et Fabien.
Fabien : - En même temps, qu’ils disparaissent avant, c’est dans la logique des choses.
Planche 41. Le problème de mourir jeune (2)
1. Plan rapproché sur Jérémie.
Jérémie : - En plus, ils préféreraient.
2. Plan rapproché sur Fabien.
Fabien : - Sympa.
3. Plan américain sur les trois protagonistes. Arthur a relevé la tête et semble l’écouter à nouveau avec flegme.
Jérémie : - Du coup, pour moi, pas de comportement à risque. Je ne monte pas en bagnole si le mec est bourré. Je traverse dans les clous. Je compte même arrêter de fumer. No smoking si tu veux. Je deviens super clean quoi.
4. Plan américain sur Arthur qui parle. Les deux autres, sur le côté de l’image, se sont retournés vers lui.
Arthur (visage narquois) : - Et en plus t’utilises des mots anglais.
5. Plan buste sur Jérémie avec Arthur plus en arrière-plan.
Jérémie (hyper sérieux, ne percevant nullement l’ironie) : - Je ne pense pas que ça joue, le fait d’utiliser des mots anglais.
Arthur (hilare) : - Si si, c’est prouvé.
6. Plan moyen. Fabien détourne l’attention de Jérémie de la réflexion d’Arthur.
Fabien : - C’est pas mal, cette idée d’éviter les comportements à risque.
Jérémie : - Par exemple, pour en revenir à l’autre jour au mur d’escalade, quand je n’ai pas voulu monter, tout le monde à cru que c’était parce que j’avais les jetons.
7. Plan américain sur Fabien et Jérémie.
Fabien : - Et c’était pas ça ?
Jérémie : - Absolument pas.
8. Plan américain sur Arthur dans son coin.
Arthur : - Excuse-nous, on avait tous pris ça au premier degré.
9. Plan rapproché sur Jérémie.
Jérémie : - En fait, ça répondait à des raisons d’un ordre supérieur.
10. Plan buste sur Fabien.
Fabien : - Ton truc, c’est métaphysique quelque part.
11. Plan buste sur Arthur, l’index en l’air comme s’il montrait la divinité au ciel.
Arthur : - Respect.
Planche 42. Créer de l’effroi social (1)
1. Plan général sur la famille. Jérémie arrive dans le salon, le visage charbonneux, avec plusieurs piercings dans le nez, les oreilles et des habits noirs un peu destroy. Le père et la mère semblent s’occuper de papiers administratifs étalés sur la table du salon. Faustine, assise dans un fauteuil, feuillette une revue. Tous ont levé la tête vers Jérémie.
La mère (air de surprise) : - Qu’est-ce qui t’arrive !?
2. Plan rapproché sur Jérémie.
Jérémie (air narquois) : - J’attendais une réaction de votre part, ça a été rapide.
3. Plan américain sur toute la famille.
La mère : - Tu comptes te balader dehors comme ça ?
Jérémie : - Il me semble qu’on est en démocratie, non ?
4. Plan américain sur le père et Jérémie qui s’est rapproché de lui.
La père : - Mais c’est quoi le but ?
Jérémie : - Créer de l’effroi social. En moi, je sens du tumulte. Faut que ça se révèle.
5. Plan serré sur la mère.
Le mère : - Et c’est pour ça que tu t’es accoutré de cette façon ?
6. Plan moyen sur Jérémie et Faustine.
Jérémie : - Pas que pour ça. Avec Arthur et Fabien, on a monté un nouveau groupe, le « Rock Doggy Band ». Vous vous demandez sans doute pourquoi « Doggy » ?
Faustine : - Non.
7. Plan américain sous un autre angle entre sur Jérémie et Faustine.
Jérémie : - Eh bien Fabien et Marion viennent d’avoir un doberman. Il va faire partie du groupe. Ses aboiements vont être intégrés à la musique, ça va être génial.
Faustine (ironique) : - Trop fort !
8. Plan américain sur la famille.
La mère : - Ça va pas aider à la compréhension.
Jérémie : - C’est justement ça l’idée, on n’est pas « compréhensibles ».
9. Plan rapproché sur Faustine et Jérémie.
Faustine (ironique) : - Mon frère est un génie !
Jérémie : - On commence les répètes cet aprèm. Ca va être chaud, je vous le dis.
10. Plan buste sur Faustine
Faustine : - Quand on pense qu’il y a des gens qui vont louper ça.
Planche 43. Créer de l’effroi social (2)
1. Plan à l’intérieur du garage de chez Fabien, assez énorme. Une vieille camionnette d’un côté, de l’autre, le matos du groupe. Fabien arrive avec le chien muselé et tenu en laisse. Jérémie a déjà sa guitare en bandoulière, Arthur sa basse. Marion et Faustine sont sur le côté en groupies.
Marion (s’adressant à son frère Fabien) : - Pourquoi tu lui as mis la laisse et la muselière ?
Jérémie (tête tournée vers Marion) : - Ça symbolise l’aliénation. On les lui retire sur scène pour marquer que c’est là le lieu de l’émancipation, le champ de tous les possibles !
2. Plan moyen sur Arthur à la basse et Jérémie à la guitare.
Arthur : - Jérémie, pour les concepts, on rivalise pas.
Jérémie : - On va commencer tout de suite par notre titre phare : « Effroi social ».
3. Plan américain sur Arthur, Fabien qui a retiré la muselière du doberman, et le doberman, très placide.
Arthur (montrant le chien du doigt) : - T’as vu le charisme. Le véritable leader du groupe, c’est lui !
4. Plan américain du groupe. Fabien derrière sa batterie. Jérémie à la guitare et Arthur à la basse. Le chien placidement entre eux.
Fabien (derrière sa batterie) : - Je suis prêt.
Jérémie : - En avant pour l’intro. Ca va saigner.
5. Plan moyen sur Jérémie fait un accord de guitare. Le chien lève la tête, vers lui, sur ses gardes, comme s’il avait eu un choc.
Guitare (onomatopée) : - Tzingue !!!
6. Plan rapproché sur Jérémie qui fait un second accord de guitare. Le chien menaçant, semble montrer des dents.
Guitare : - Tzongue !!!
Le doberman : - Grrr !!!
7. Plan rapproché sur Jérémie qui semble reculer tandis que le chien, menaçant, se met à aboyer contre lui.
Le doberman : - OUAH ! OUAH !
8. Plan en légère plongée sur le chien qui saute sur la batterie. Certains drums sont à terre. Tout vole. Jérémie s’est réfugié derrière. Arthur a enlevé sa basse. Fabien s’est levé de son siège.
9. Plan sur Jérémie qui court vers la camionnette suivie de Fabien. Arthur semble suivre le mouvement.
10. Plan sur Fabien, Arthur et Jérémie dans la camionnette alors que le chien aboie devant la porte fermée. Les filles se sont approchées. Marion lui présente un os.
11. Le chien lèche placidement l’os devant Marion et Faustine. Les trois musicos sont vue en arrière plan, coincés dans la fourgonnette, les gueules contre les vitres.
Faustine : - L’effroi social, c’est un concept vachement puissant, tout le monde ne peut pas comprendre.
Planche 44. Go-between (1)
1. Plan moyen en légère plongée sur la grand-place. Jérémie et Fabien sont affalés sur un banc public à mater en silence. Ils semblent complètement désoeuvrés. Au loin debout près d’un platane discutent Faustine et Marion.
2. Plan moyen sur Faustine et Marion qui se font un signe de main et semblent se séparer.
3. Plan moyen sur Jérémie et Fabien toujours affalés sur leur banc plus ou moins de trois quart. Marion passe un peu à l’écart sans paraître les remarquer. Jérémie la suit pensivement des yeux. Fabien observe Jérémie et devine ce qu’il regarde.
4. Plan rapproché sur Fabien et Jérémie
Fabien : - Je l’impression qu’elle te plaît ma frangine ?
Jérémie (un peu troublé) : - Qu’est-ce qui te fait dire ça ?
5. Plan serré sur Fabien.
Fabien : - T’arrêtes pas de la mater. T’as l’air d’être attirée par elle.
6. Plan rapproché sur Jérémie.
Jérémie : - Si c’était le cas, j’en parlerai à personne et surtout pas à toi.
7. Plan américain sur Fabien et Jérémie.
Fabien : - T’es du genre un peu super coincé. Si tu flashes sur elle, pour moi, c’est pas un souci.
8. Plan rapproché sur Jérémie qui semble avoir relevé la tête en direction de Marion hors champ.
Jérémie (visage sombre) : - De toute façon, ça peut pas coller.
9. Plan américain sur Fabien.
Fabien : - Pourquoi tu dis ça. Peut-être que tu lui plais.
10. Plan rapproché sur Jérémie.
Jérémie (très sombre) : - Le problème n’est pas là.
11. Plan rapproché sous un autre angle sur Jérémie et Fabien.
Jérémie : - Le problème, c’est que si je vous connais, ta sœur et toi, c’est grâce à Faustine.
Fabien : - Ouais, et alors ?
Planche 45. Go-between (2)
1. Plan américain sur Jérémie et Fabien.
Jérémie : - Suppose que je sorte avec ta soeur, j’aurais l’impression que c’est grâce à la mienne, tu vois ce que je veux dire ?
2. Plan rapproché sur Fabien
Fabien : - Non, je vois pas.
3. Plan rapproché sur Jérémie.
Jérémie : - Je m’imagine mal vivre avec une nana que j’aurais connue par l’intermédiaire de Faustine. C’est tout simplement pas possible.
4. Plan américain sur Fabien et Jérémie.
Fabien : C’est marrant. Moi, ta soeur me botte pas mal, je la connais grâce à la mienne mais c’est pas ce qui m’arrêterait.
5. Plan américain sur un autre angle de Fabien et Jérémie
Jérémie : - Me dis pas que t’as des vues sur Faustine ! Tu voudrais peut-être aussi l’épouser ?!
6. Plan rapproché sur Jérémie et Fabien.
Fabien (hilare) : - C’est une idée ça !! Et t’imagine si, de ton côté, tu épousais Marion, on pourrait célébrer les deux mariages en même temps.
7. Gros plan sur Jérémie, déstabilisé.
Jérémie : - Rassure-moi, tu déconnes ?
8. Gros plan sur Fabien.
Fabien (air ironique) : - Maintenant que tu m’as mis l’idée en tête.
9. Plan américain sur Fabien et Jérémie sous un autre angle.
Jérémie : - Non, parce que j’ai quasiment envie de vomir.
Fabien : - Ce serait génial, on serait beaux-frères de deux façons différentes.
10. Plan moyen sur Jérémie et Fabien.
Jérémie (qui s’est courbé vers l’avant en se tenant le ventre) : - Voilà, là, je crois que je vais vraiment vomir.
Fabien : - J’ai un petit sac plastique si tu veux.
Planche 46. Pas de mômes
1. Plan d’ensemble sur toute la famille autour de la table pour le dîner du soir. La mère sert un potage. Elle parle en même temps.
La mère : - On a reçu un faire-part. Votre tante vient d’avoir un garçon. Son quatrième.
Jérémie (visage vaguement exalté) : - N’importe quoi ! On se demande vraiment à quoi ça sert !
2. Plan américain sur la mère, louche à la main, tête tournée vers Jérémie.
La mère : - La naissance d’un enfant, c’est la plus belle chose qui puisse arriver dans une famille.
3. Plan rapproché sur Jérémie.
Jérémie (avec dédain) : - Personnellement, je ne compte pas en avoir.
4. Plan américain sur le père, Jérémie et Faustine.
Le père : - Y’a de grands moments de bonheur tu sais.
Jérémie (regardant sa sœur de haut d’un air un peu narquois) : - Ah bon ! Faut vraiment gratter !
5. Plan rapproché sur le père.
Le père : - Je t’assure, fils.
6. Plan buste sur Jérémie.
Jérémie : - J’ai lu quelque part que faire des mômes, c’était la créativité des médiocres, de ceux incapables de construire une œuvre.
7. Plan américain sur Faustine et Jérémie.
Faustine : - Où tu pêches des idées aussi pourries ?
Jérémie (avec hauteur et un air un peu supérieur) : - Elles ne sont pas pourries. Au contraire, je pense qu’elles méritent d’être méditées.
8. Plan rapproché sur Faustine.
Faustine : - Si je comprends bien, toi, inutile que tu fasses des mômes, tu es appelé à laisser une grande œuvre derrière toi, un truc impérissable.
9. Plan buste sur Jérémie et Faustine.
Jérémie : - C’est là où tu te trompes. Je projette de ne rien laisser du tout. C’est même cette absence d’œuvre qui me distinguera.
Faustine (ironique) : - Ça serait-y pas le cas général ?
10. Plan buste sur Jérémie et Faustine sous un autre angle
Jérémie : - Moi, c’est différent parce que ce sera volontaire.
Faustine (ironique) : - Dis-le bien autour de toi sinon personne ne va s’en rendre compte.
11. Plan buste serré sur Jérémie.
Jérémie (avec dédain) : - On le découvrira longtemps après ma mort, comme tous les vrais génies. Pour ça, j’suis pas inquiet.
FIN
LE ROMAN FAMILIAL
(46 planches)
L’expression « Le roman familial », popularisée par Freud, qualifie ce fantasme infantile qui consiste à se rêver le fils (ou la fille) de parents autres que les siens.
Il s’agit du fantasme qui tourmente Jérémie, le personnage central de cette bd, adolescent en devenir, hanté par des problèmes d’identité et de positionnement dans le monde.
A son hypersensibilité aux questions de filiation se greffent des désirs d’émancipation et de rébellion constantes contre l’autorité parentale et l’ordre social en général.
Cela donne lieu a des situations conflictuelles et cocasses, s’achevant pour lui par un regain de frustrations, des renoncements, voire de réelles souffrances.
Cadre général
L’action se déroule de nos jours, dans une ville moyenne de province fleurant bon l’ennui. Jérémie a 14-15 ans, il est en fin de classe de seconde.
Il habite, dans un quartier résidentiel, une maison individuelle stéréotypée non loin de laquelle est implantée une usine polluante.
Il est dans une famille moyenne classique (un couple deux enfants). Son père travaille comme chef de guichet dans une banque. Sa mère est au foyer. Ses parents sont normaux, plutôt aimants et aveugles aux tourments que rencontre leur fils.
Il a une sœur, Faustine, un peu plus jeune que lui, qui perçoit intuitivement sa problématique et à tendance à tourner le couteau dans la plaie.
Les grands parents paternels n’habitent pas loin et sont souvent de passage chez leur fils avec leur chien.
Jérémie nourrit une passion un peu surannée pour le rock. La musique, c’est la voie principale par laquelle il fantasme son émancipation.
Il a deux copains très proches, Arthur et Fabien, avec qui il a monté un groupe.
Tous répètent très souvent dans le garage de Fabien, assez grand, dont une partie a été transformée en studio.
Fabien et sa sœur Marion vivent chez leur mère, divorcée. Cette dernière n’apparaît pas dans les différentes histoires.
Arthur est orphelin. Il a été adopté par une famille qui n’apparaît pas non plus dans la bd et qu’il qualifie d’un peu craignos. Jérémie envie obscurément son statut d’orphelin.
Jérémie éprouve des sentiments plus ou moins partagés pour Marion, qui se trouve aussi être la grande copine de Faustine. C’est d’ailleurs grâce à Faustine qu’il connaît Marion et Fabien.
Personnages principaux
Jérémie Roussel : ado un peu rock, rouquin, longiligne, torturé et sensible, obsédé par ses origines et un peu mal dans sa peau, rongé par le désir de se démarquer.
Son père : chef de guichet dans une banque, lui aussi rouquin. Il a fait du théâtre dans sa jeunesse et fréquenté des artistes. Ce passé nourrit un peu la légende familiale.
Sa mère : au foyer, douce et aimante.
Sa soeur (Faustine) : un an plus jeune. Chipie un peu délurée qui ne cesse d’entrer en rivalité avec lui, du moins de le titiller.
Arthur : un copain, orphelin qui a été adopté.
Fabien : un autre copain, qui avec sa sœur Marion, vit chez leur mère. Leurs parents sont divorcés.
Marion : une copine de Faustine, sœur de Fabien dont Jérémie est secrètement amoureux
Le grand-père : du côté paternel. A travaillé dans le secteur bancaire comme le père.
La grand-mère : du côté paternel.
(46 planches)
L’expression « Le roman familial », popularisée par Freud, qualifie ce fantasme infantile qui consiste à se rêver le fils (ou la fille) de parents autres que les siens.
Il s’agit du fantasme qui tourmente Jérémie, le personnage central de cette bd, adolescent en devenir, hanté par des problèmes d’identité et de positionnement dans le monde.
A son hypersensibilité aux questions de filiation se greffent des désirs d’émancipation et de rébellion constantes contre l’autorité parentale et l’ordre social en général.
Cela donne lieu a des situations conflictuelles et cocasses, s’achevant pour lui par un regain de frustrations, des renoncements, voire de réelles souffrances.
Cadre général
L’action se déroule de nos jours, dans une ville moyenne de province fleurant bon l’ennui. Jérémie a 14-15 ans, il est en fin de classe de seconde.
Il habite, dans un quartier résidentiel, une maison individuelle stéréotypée non loin de laquelle est implantée une usine polluante.
Il est dans une famille moyenne classique (un couple deux enfants). Son père travaille comme chef de guichet dans une banque. Sa mère est au foyer. Ses parents sont normaux, plutôt aimants et aveugles aux tourments que rencontre leur fils.
Il a une sœur, Faustine, un peu plus jeune que lui, qui perçoit intuitivement sa problématique et à tendance à tourner le couteau dans la plaie.
Les grands parents paternels n’habitent pas loin et sont souvent de passage chez leur fils avec leur chien.
Jérémie nourrit une passion un peu surannée pour le rock. La musique, c’est la voie principale par laquelle il fantasme son émancipation.
Il a deux copains très proches, Arthur et Fabien, avec qui il a monté un groupe.
Tous répètent très souvent dans le garage de Fabien, assez grand, dont une partie a été transformée en studio.
Fabien et sa sœur Marion vivent chez leur mère, divorcée. Cette dernière n’apparaît pas dans les différentes histoires.
Arthur est orphelin. Il a été adopté par une famille qui n’apparaît pas non plus dans la bd et qu’il qualifie d’un peu craignos. Jérémie envie obscurément son statut d’orphelin.
Jérémie éprouve des sentiments plus ou moins partagés pour Marion, qui se trouve aussi être la grande copine de Faustine. C’est d’ailleurs grâce à Faustine qu’il connaît Marion et Fabien.
Personnages principaux
Jérémie Roussel : ado un peu rock, rouquin, longiligne, torturé et sensible, obsédé par ses origines et un peu mal dans sa peau, rongé par le désir de se démarquer.
Son père : chef de guichet dans une banque, lui aussi rouquin. Il a fait du théâtre dans sa jeunesse et fréquenté des artistes. Ce passé nourrit un peu la légende familiale.
Sa mère : au foyer, douce et aimante.
Sa soeur (Faustine) : un an plus jeune. Chipie un peu délurée qui ne cesse d’entrer en rivalité avec lui, du moins de le titiller.
Arthur : un copain, orphelin qui a été adopté.
Fabien : un autre copain, qui avec sa sœur Marion, vit chez leur mère. Leurs parents sont divorcés.
Marion : une copine de Faustine, sœur de Fabien dont Jérémie est secrètement amoureux
Le grand-père : du côté paternel. A travaillé dans le secteur bancaire comme le père.
La grand-mère : du côté paternel.