D’UNE PIERRE TROIS COUPS
Personnages : Le mari
Le complice
La femme
Nuit. Bar. Deux hommes entrent, le mari et son complice.
Ils avancent précautionneusement dans la semi-obscurité. Le complice tient dans la main un bidon qu’on suppose rempli d’essence. Il y a un bruit extérieur. Le mari s’arrête et, d’un geste de la main, fait signe à son complice de s’arrêter. Les deux hommes restent immobiles quelques instants. Ils écoutent. Le mari tourne la tête lentement à droite et à gauche comme s’il traquait tout autre bruit. Le complice se contente de rester immobile avec son bidon.
Le mari
Je crois que c’est bon.
Ils s’approchent du comptoir.
Le mari (parlant très bas et désignant du doigt certains endroits dont celui où se trouve un clavier électrique)
Ici… Là... là-bas
Le complice commence à déverser le contenu de son bidon derrière le comptoir et devant la vitrine (l’avant-scène). Puis il le rebouche.
Le mari (en désignant le clavier)
Je t’ai dit aussi près du clavier.
Le complice secoue la tête négativement.
Le mari (d’une voix toujours basse, le ton insistant en désignant à nouveau le clavier)
Mais qu’est-ce que t’attends !
Le complice secoue la tête négativement.
Le mari
T’es con ou quoi ?
Le complice ne dit rien, la mine sombre et butée. Le mari va vers lui et veut lui arracher le bidon des mains. Le complice résiste. Ça prend des allures de lutte absurde.
Le mari
Donne-moi ça !
Il arrive finalement à lui arracher le bidon après une empoignade bruyante et un peu burlesque. A peine le mari a le bidon en main qu’il y a un bruit provenant d’une porte intérieure (coulisse). Les deux hommes s’immobilisent. Un autre bruit, identifié comme une porte qui s’ouvre. Le mari va instinctivement se cacher à un angle du comptoir, le complice, derrière le clavier. La femme entre. Elle allume la lumière. Elle est en chemise de nuit. Elle regarde autour d’elle comme si elle cherchait à comprendre d’où venaient les bruits suspects. Finalement, elle va au comptoir et se sert un verre d’alcool qu’elle boit lentement, très méditative. Les deux hommes l’observent en silence. Tout à coup, elle se met à renifler. Elle le fait avec plus de sérieux en tournant la tête à droite à gauche comme si elle est voulait comprendre l’origine d’une odeur. Elle repose son verre.
La femme (se parlant à elle-même)
C’est quoi cette odeur ?
Elle déambule dans tout le bar et un moment s’approche du clavier. Tout à coup, elle aperçoit le complice.
La femme (avec une vraie frayeur dans la voix)
Qui êtes vous !?
Le complice, étant découvert, se relève complètement. Il ne dit rien mais sort une arme de sa poche et fixe l’endroit où se trouve le mari avec une grimace interrogative comme s’il attendait des directives. La femme se retourne vers l’endroit qu’il fixe. Elle aperçoit son mari qui, se voyant découvert, se relève à son tour de sa cache à l’angle du comptoir. Il a toujours le bidon d’essence dans la main.
La femme (avec surprise)
Tu es là aussi ?
Le mari ne répond pas. Il tente de dissimuler le bidon.
La femme (en voyant le bidon)
C’est quoi ça ?
Le mari
C’est rien.
La femme
Rien ?! Ne me dis pas que tu avais l’intention de…
Elle ne finit pas sa phrase, comme abasourdi. Un moment de silence.
Le mari
Je ne savais pas que t’étais là.
La femme
Tu te moques de moi ? Avant que tu sortes, après qu'on ait tout nettoyé, tu m’as même préparé mon verre de somnifère.
Le mari
Je ne pensais pas que tu l’avais bu. Tu m’as dit que finalement tu allais rendre visite à une amie.
La femme (avec rage et horreur)
Comment tu peux sortir une chose pareille ! Tu m’as bien vu en chemise de nuit.
Le mari (à la femme)
Je ne m’en souviens pas.
La femme ne dit rien, très sombre. Elle retourne au comptoir et reboit un peu de son verre.
La femme
Ainsi tu voulais faire d’une pierre deux coups.
Le mari
Je ne comprends rien à ce que tu racontes.
La femme (après avoir bu en s’adressant au complice)
Arrête. Et vous, il ne vous avait rien dit ?
Le complice secoue négativement et sombrement la tête.
La femme (se tournant vers le mari)
Tu lui as vendu ça comme une petite escroquerie à l’assurance, rien de plus ? Un incendie accidentel pour toucher le jackpot. Mais en vérité tu voulais aussi te débarrasser de moi ?
Le mari
C’est ridicule (au complice) Faut pas l’écouter, elle déraille.
Le complice esquisse un geste de dégoût. Il baisse son arme et le pose près du clavier. Puis il s’assoit derrière le clavier et se met à jouer pianissimo. On se rend compte que c’est un musicien accompli.
Le mari (un peu gêné par le piano)
De toute façon, tu n’aurais pas disparu dans l’incendie.
La femme (assez vindicative)
Avec le somnifère et les bonbonnes de gaz qu’il y a ici !
Le mari (très sombre)
Tu t’es réveillée, non ? En réalité, ce que je voulais faire, c’est pour nous deux. L’argent de l’assurance, c’était la seule façon de nous en sortir.
La femme finit son verre.
La femme (avec acrimonie)
Comme si l’argent, c’était le vrai problème. Tu sais bien que le vrai problème n’est pas là
Le mari
Arrête de parler par énigme.
La femme
T’en fais pas, cette énigme je l’ai résolue. Et elle explique tout. Ce qui nous met dedans, c’est ce que tu dépenses pour cette fille ?
Le mari
Quelle fille ?!
La femme
Tu crois que je ne m’en suis pas rendue compte. Je ne pigeais pas pourquoi nous étions dans le rouge, alors je t’ai surveillé. Je t’ai vu puiser dans la caisse et j’ai fini par te suivre. Si encore t’avais perdu ça au jeu, j’aurais pu comprendre. Mais tout ce pognon pour une poule !
Le mari
Tu délires !
La femme
Ne me prends pas pour une idiote ! Je t’ai vu avec elle. Pourquoi crois-tu que ces temps-ci j’ai tant de mal à trouver le sommeil ? J’y pense sans cesse. Une belle petite garce qui te mène par le bout du nez. Je me suis renseigné sur elle !
Le mari semble tout à coup devenir plus tendu.
Le mari
Ça, on en parlera plus tard !
La femme
Pourquoi plus tard ? Tout de suite !
Le mari (encore plus tendu)
C’est une histoire qui ne regarde que nous ! Alors arrête !
Il va vers sa femme d’un air menaçant. Celle-ci le repousse violemment et s’approche du clavier. Avant qu’il revienne à la charge, elle s’empare de l’arme sur le clavier et le menace. Il s’immobilise.
La femme (dirigeant le flingue vers son mari)
Là, tu fais moins le mariole, hein !?
Le mari
Pose cette arme !
La femme (en menaçant son époux)
Je me suis renseigné sur elle, je te dis. Une vraie petite salope ! Elle est mariée avec un pauvre type qu’elle exploite comme toi jusqu’au trognon et qui ne se rend compte de rien. Une espèce de petit malfrat minable, pianiste de bar au « Chat qui tousse ».
Le complice qui était en train de jouer fait un accord dissonant et s’arrête. La femme, regardant tout à coup vers lui, semble comprendre. Le complice regarde dans le vide en respirant fortement, comme tout à coup secoué par la révélation.
La femme (s’adressant au complice)
Mais qu’est-ce qu’il vous a promis pour vous entraîner ici ?
Le complice ne répond rien.
La femme (s’adressant à son mari, d’une voix réfléchie)
Pour mettre le feu, tu n’avais pas besoin de lui.
Avec l’arme, elle menace plus nettement son mari. Elle et lui se regardent un moment dans les yeux. Elle semble lire en lui.
La femme
Vide tes poches. Je veux comprendre quelque chose.
Le mari ne fait rien.
La femme (le menaçant de façon plus directe)
Vide tes poches, je te dis.
Le mari vide ses poches. Entre diverses choses, il en sort une fiole de chloroforme et un mouchoir. Il a déposé le tout sur une table. La femme s’approche de la table.
La femme
Du chloroforme. Finalement, je me suis trompée : en fait, tu voulais faire d’une pierre trois coups. Mais l’assurance n’aurait jamais marché dans un truc pareil.
Le mari
Je te jure que ce n’est pas du tout ce à quoi tu penses.
La femme (ironique)
Arrête de jurer. Tu comptais le chloroformer quand ? Juste après avoir mis le feu ?
Le mari ne répond pas. Il se sert lui aussi un verre dont il boit une rasade sombrement.
Le mari
Le mieux, c’est qu’on oublie tout ça, on passe un coup d’éponge.
La femme (avec acrimonie)
C’est tellement plus simple. Rien ne s’est jamais passé, c’est ça ?
Le mari (après avoir reposé le verre)
C’est ça… Mais pourquoi tu es descendu ?
La femme
Faut croire que ton somnifère ne valait rien. J’avais entendu un bruit de bagarre.
Le mari (d’un ton désabusé)
Cet imbécile ne voulait pas qu’on asperge d’essence le clavier. Comme si ç’aurait changé quelque chose. Le piano aurait brûlé avec le reste.
La femme
La preuve que non : il va s’en sortir indemne. Le seul qui ne va pas s’en sortir indemne, c’est toi.
Le mari
Je ne comprends pas.
La femme (ironique)
Tu ne comprends pas grand-chose ce soir. Je vais t’expliquer : tu as voulu nous faire disparaître, lui (elle désigne le complice) et moi, et tu baises sa femme.
Le mari
On n’a qu’à considérer que rien de tout ça n’a jamais existé.
La femme (encore ironique)
C’est très difficile. On va plutôt considérer que tu n’as jamais existé Faisons ça en musique. (au complice) Vous pouvez jouer quelque chose pour moi.
Le complice hoche la tête et se remet à jouer.
Le mari (d’un ton éperdu)
Ne me dis pas que… !?
La femme
Ce n’est qu’un court mauvais moment à passer. Le temps de deux trois accords, pas plus.
Elle tire sur son mari qui s’écroule. Puis elle va au comptoir, s’assoit et se sert un autre verre. Le complice continue à jouer.
Noir.
Personnages : Le mari
Le complice
La femme
Nuit. Bar. Deux hommes entrent, le mari et son complice.
Ils avancent précautionneusement dans la semi-obscurité. Le complice tient dans la main un bidon qu’on suppose rempli d’essence. Il y a un bruit extérieur. Le mari s’arrête et, d’un geste de la main, fait signe à son complice de s’arrêter. Les deux hommes restent immobiles quelques instants. Ils écoutent. Le mari tourne la tête lentement à droite et à gauche comme s’il traquait tout autre bruit. Le complice se contente de rester immobile avec son bidon.
Le mari
Je crois que c’est bon.
Ils s’approchent du comptoir.
Le mari (parlant très bas et désignant du doigt certains endroits dont celui où se trouve un clavier électrique)
Ici… Là... là-bas
Le complice commence à déverser le contenu de son bidon derrière le comptoir et devant la vitrine (l’avant-scène). Puis il le rebouche.
Le mari (en désignant le clavier)
Je t’ai dit aussi près du clavier.
Le complice secoue la tête négativement.
Le mari (d’une voix toujours basse, le ton insistant en désignant à nouveau le clavier)
Mais qu’est-ce que t’attends !
Le complice secoue la tête négativement.
Le mari
T’es con ou quoi ?
Le complice ne dit rien, la mine sombre et butée. Le mari va vers lui et veut lui arracher le bidon des mains. Le complice résiste. Ça prend des allures de lutte absurde.
Le mari
Donne-moi ça !
Il arrive finalement à lui arracher le bidon après une empoignade bruyante et un peu burlesque. A peine le mari a le bidon en main qu’il y a un bruit provenant d’une porte intérieure (coulisse). Les deux hommes s’immobilisent. Un autre bruit, identifié comme une porte qui s’ouvre. Le mari va instinctivement se cacher à un angle du comptoir, le complice, derrière le clavier. La femme entre. Elle allume la lumière. Elle est en chemise de nuit. Elle regarde autour d’elle comme si elle cherchait à comprendre d’où venaient les bruits suspects. Finalement, elle va au comptoir et se sert un verre d’alcool qu’elle boit lentement, très méditative. Les deux hommes l’observent en silence. Tout à coup, elle se met à renifler. Elle le fait avec plus de sérieux en tournant la tête à droite à gauche comme si elle est voulait comprendre l’origine d’une odeur. Elle repose son verre.
La femme (se parlant à elle-même)
C’est quoi cette odeur ?
Elle déambule dans tout le bar et un moment s’approche du clavier. Tout à coup, elle aperçoit le complice.
La femme (avec une vraie frayeur dans la voix)
Qui êtes vous !?
Le complice, étant découvert, se relève complètement. Il ne dit rien mais sort une arme de sa poche et fixe l’endroit où se trouve le mari avec une grimace interrogative comme s’il attendait des directives. La femme se retourne vers l’endroit qu’il fixe. Elle aperçoit son mari qui, se voyant découvert, se relève à son tour de sa cache à l’angle du comptoir. Il a toujours le bidon d’essence dans la main.
La femme (avec surprise)
Tu es là aussi ?
Le mari ne répond pas. Il tente de dissimuler le bidon.
La femme (en voyant le bidon)
C’est quoi ça ?
Le mari
C’est rien.
La femme
Rien ?! Ne me dis pas que tu avais l’intention de…
Elle ne finit pas sa phrase, comme abasourdi. Un moment de silence.
Le mari
Je ne savais pas que t’étais là.
La femme
Tu te moques de moi ? Avant que tu sortes, après qu'on ait tout nettoyé, tu m’as même préparé mon verre de somnifère.
Le mari
Je ne pensais pas que tu l’avais bu. Tu m’as dit que finalement tu allais rendre visite à une amie.
La femme (avec rage et horreur)
Comment tu peux sortir une chose pareille ! Tu m’as bien vu en chemise de nuit.
Le mari (à la femme)
Je ne m’en souviens pas.
La femme ne dit rien, très sombre. Elle retourne au comptoir et reboit un peu de son verre.
La femme
Ainsi tu voulais faire d’une pierre deux coups.
Le mari
Je ne comprends rien à ce que tu racontes.
La femme (après avoir bu en s’adressant au complice)
Arrête. Et vous, il ne vous avait rien dit ?
Le complice secoue négativement et sombrement la tête.
La femme (se tournant vers le mari)
Tu lui as vendu ça comme une petite escroquerie à l’assurance, rien de plus ? Un incendie accidentel pour toucher le jackpot. Mais en vérité tu voulais aussi te débarrasser de moi ?
Le mari
C’est ridicule (au complice) Faut pas l’écouter, elle déraille.
Le complice esquisse un geste de dégoût. Il baisse son arme et le pose près du clavier. Puis il s’assoit derrière le clavier et se met à jouer pianissimo. On se rend compte que c’est un musicien accompli.
Le mari (un peu gêné par le piano)
De toute façon, tu n’aurais pas disparu dans l’incendie.
La femme (assez vindicative)
Avec le somnifère et les bonbonnes de gaz qu’il y a ici !
Le mari (très sombre)
Tu t’es réveillée, non ? En réalité, ce que je voulais faire, c’est pour nous deux. L’argent de l’assurance, c’était la seule façon de nous en sortir.
La femme finit son verre.
La femme (avec acrimonie)
Comme si l’argent, c’était le vrai problème. Tu sais bien que le vrai problème n’est pas là
Le mari
Arrête de parler par énigme.
La femme
T’en fais pas, cette énigme je l’ai résolue. Et elle explique tout. Ce qui nous met dedans, c’est ce que tu dépenses pour cette fille ?
Le mari
Quelle fille ?!
La femme
Tu crois que je ne m’en suis pas rendue compte. Je ne pigeais pas pourquoi nous étions dans le rouge, alors je t’ai surveillé. Je t’ai vu puiser dans la caisse et j’ai fini par te suivre. Si encore t’avais perdu ça au jeu, j’aurais pu comprendre. Mais tout ce pognon pour une poule !
Le mari
Tu délires !
La femme
Ne me prends pas pour une idiote ! Je t’ai vu avec elle. Pourquoi crois-tu que ces temps-ci j’ai tant de mal à trouver le sommeil ? J’y pense sans cesse. Une belle petite garce qui te mène par le bout du nez. Je me suis renseigné sur elle !
Le mari semble tout à coup devenir plus tendu.
Le mari
Ça, on en parlera plus tard !
La femme
Pourquoi plus tard ? Tout de suite !
Le mari (encore plus tendu)
C’est une histoire qui ne regarde que nous ! Alors arrête !
Il va vers sa femme d’un air menaçant. Celle-ci le repousse violemment et s’approche du clavier. Avant qu’il revienne à la charge, elle s’empare de l’arme sur le clavier et le menace. Il s’immobilise.
La femme (dirigeant le flingue vers son mari)
Là, tu fais moins le mariole, hein !?
Le mari
Pose cette arme !
La femme (en menaçant son époux)
Je me suis renseigné sur elle, je te dis. Une vraie petite salope ! Elle est mariée avec un pauvre type qu’elle exploite comme toi jusqu’au trognon et qui ne se rend compte de rien. Une espèce de petit malfrat minable, pianiste de bar au « Chat qui tousse ».
Le complice qui était en train de jouer fait un accord dissonant et s’arrête. La femme, regardant tout à coup vers lui, semble comprendre. Le complice regarde dans le vide en respirant fortement, comme tout à coup secoué par la révélation.
La femme (s’adressant au complice)
Mais qu’est-ce qu’il vous a promis pour vous entraîner ici ?
Le complice ne répond rien.
La femme (s’adressant à son mari, d’une voix réfléchie)
Pour mettre le feu, tu n’avais pas besoin de lui.
Avec l’arme, elle menace plus nettement son mari. Elle et lui se regardent un moment dans les yeux. Elle semble lire en lui.
La femme
Vide tes poches. Je veux comprendre quelque chose.
Le mari ne fait rien.
La femme (le menaçant de façon plus directe)
Vide tes poches, je te dis.
Le mari vide ses poches. Entre diverses choses, il en sort une fiole de chloroforme et un mouchoir. Il a déposé le tout sur une table. La femme s’approche de la table.
La femme
Du chloroforme. Finalement, je me suis trompée : en fait, tu voulais faire d’une pierre trois coups. Mais l’assurance n’aurait jamais marché dans un truc pareil.
Le mari
Je te jure que ce n’est pas du tout ce à quoi tu penses.
La femme (ironique)
Arrête de jurer. Tu comptais le chloroformer quand ? Juste après avoir mis le feu ?
Le mari ne répond pas. Il se sert lui aussi un verre dont il boit une rasade sombrement.
Le mari
Le mieux, c’est qu’on oublie tout ça, on passe un coup d’éponge.
La femme (avec acrimonie)
C’est tellement plus simple. Rien ne s’est jamais passé, c’est ça ?
Le mari (après avoir reposé le verre)
C’est ça… Mais pourquoi tu es descendu ?
La femme
Faut croire que ton somnifère ne valait rien. J’avais entendu un bruit de bagarre.
Le mari (d’un ton désabusé)
Cet imbécile ne voulait pas qu’on asperge d’essence le clavier. Comme si ç’aurait changé quelque chose. Le piano aurait brûlé avec le reste.
La femme
La preuve que non : il va s’en sortir indemne. Le seul qui ne va pas s’en sortir indemne, c’est toi.
Le mari
Je ne comprends pas.
La femme (ironique)
Tu ne comprends pas grand-chose ce soir. Je vais t’expliquer : tu as voulu nous faire disparaître, lui (elle désigne le complice) et moi, et tu baises sa femme.
Le mari
On n’a qu’à considérer que rien de tout ça n’a jamais existé.
La femme (encore ironique)
C’est très difficile. On va plutôt considérer que tu n’as jamais existé Faisons ça en musique. (au complice) Vous pouvez jouer quelque chose pour moi.
Le complice hoche la tête et se remet à jouer.
Le mari (d’un ton éperdu)
Ne me dis pas que… !?
La femme
Ce n’est qu’un court mauvais moment à passer. Le temps de deux trois accords, pas plus.
Elle tire sur son mari qui s’écroule. Puis elle va au comptoir, s’assoit et se sert un autre verre. Le complice continue à jouer.
Noir.